Karen Knorr
Transmigrations: India Song et Villa Savoye
Qu’il y-a-t-il de plus riche en décorum et en histoires que l’intérieur des palais et sanctuaires indiens dans lesquels l’artiste, d’adoption britannique, a eu l’honneur d’être introduite? Quoi de plus propice à l’univers de Karen Knorr que ce monde de rêve éveillé où chaque détail d’architecture déploie grâce et mythe? Avec India Song, l’artiste a su célébrer le somptueux héritage visuel d’une culture foisonnante de contes et légendes qu’elle rejoue tout en mettant en lumière la société indienne contemporaine et sa hiérarchie de castes. Dans cette série, le symbolique animal est d’autant plus important qu’il renvoie directement à la religion sur laquelle cette société s’est bâtie et interroge subrepticement la rigidité de ses codes sociaux et notamment ceux de la condition féminine. Zébus, éléphants, tigres, paons… mutent et deviennent les incarnations de cette tumultueuse histoire divine et sociale en éliminant les frontières entre réalité et illusion.
Karen Knorr réinvente ici une mythologie qu’on pourrait qualifier de post-moderne, du moins pour ce qui est de l’Inde d’aujourd’hui. La délicatesse avec laquelle elle a su s’imprégner de l’esthétique indienne, sans en forcer le trait, en reprendre les codes formels et symboliques tout en la faisant revivre à travers une approche éminemment contemporaine, lui a d’ailleurs valu un plébiscite lors de sa tournée indienne l’année dernière.
Malgré la majesté de cette série qui se suffit à elle-même, nous n’avons pas désiré limiter la vision de l’oeuvre de Karen Knorr à ces espaces qui tendent à renforcer l’esthétique baroque de ses images par la magnifique démesure de leur contenu. Il nous a semblé important de souligner la liberté expressive de l’artiste en regard des histoires qu’elle crée. Karen Knorr pourvoit le monde en pensée et en image et à l’instar de tout grand artiste, son esprit peut fructifier dans des espaces philosophiques différents. C’est donc dans une sorte de contrapposto, face à l’exceptionnel ensemble d’India Song, que nous proposerons au visiteur d’errer dans l’élégante architecture de la Villa Savoye du Corbusier, ultime chapitre de la série Fables. Le spectateur, au-delà de la mise en perspective du travail de l’artiste, s’amusera sans doute à suivre du regard les envolées espiègles des oiseaux avec lesquels Karen Knorr chahute de manière totalement illusionniste ce haut lieu du modernisme, désormais figé dans sa fonction muséale, et lui redonne vie par une atmosphère emprunte de liberté et d’onirisme.
Article sur l’exposition
Nous vous incitons à lire l’article rédigé par Aleksandra Smilek sur cette exposition en cliquant sur le lien ci-dessous.
critique
Transmigrations : India Song & Villa Savoye