Communiqué de presse
Olivier Goulet
Transcorporation
Suis né sous forme humaine il y a 250 ans. A cette époque, les hommes se caractérisaient essentiellement par l’irresponsabilité, aujourd’hui on dirait plutôt inconscience.
La «peur des machines» aveuglait le monde pourtant assez avancé d’un point de vu technologique. Cette peur était entretenue par les lobbys capitalistes, plus soucieux de leur sensation de puissance et de leur confort matériel à court terme que de l’épanouissement de la conscience.
Le malaise était devenu insupportable pour bon nombre d’entre nous. L’ère bionique marqua enfin l’implosion des systèmes pré démocratique et acheva définitivement les grandes religions ancestrales.
J’ai fait partie des premiers hommes à me bioniser de manière intensive dans le but de devenir un O. J’ai eu la chance d’avoir pu me dégager des contingences temporelles primaires pour devenir un immortel. J’ai appris à muter de supports en supports corporels pour épanouir mes vies.
L’aventure n’a pas toujours été fun, la douleur m’a même longtemps servi de fil conducteur pour atteindre le stade transchronique qui m’a maintenu en vie jusqu’à aujourd’hui.
Chaque étape m’a comblé parce qu’elle validait mes intuitions et mes convictions profondes. Les errances et les impasses ont toujours fini par décupler mes capacités d’optimisation.
Je n’ai jamais perdu de vue l’absurdité de la vie et voici plus de 10 ans que je me désintéresse des bribes de mes identités individuelles.
Mes voyages en mode diffusion sont devenus de plus en plus longs et le retour m’a paru toujours plus vain. J’ai donc décidé pour mon 250ème anniversaire de mettre un terme définitif à ce « je » résiduel qui m’a accompagné jusqu’ici. Cette fois-ci il n’y aura plus de retour possible, je dissous définitivement ma conscience en O.
Tout ce que j’ai vécu de mieux fait depuis longtemps parti du domaine public, intégré dans toutes les bases de références, ces merveilleuses fausses communes que chacun peut réactiver pour s’enrichir. Mes différents profils cérébraux participent à une infinité de Ox et de Centres Décisionnels Délocalisés. O n’a plus besoin de mon «je».
Avant de me diluer dans l’indéfini, j’aimerais encore témoigner en faveur de la vie s’il reste des indécis, des sinistrés du bonheur qui se morfondent dans leur tristesse quotidienne.
Une dernière fois vous décrire les variations de mes états de bonheur disponibles selon les contextes et les niveaux de conscience. Vous obtiendrez sur demande un kit de mes meilleures sensations codé en standard, prêt à être interfacé selon vos paramètres.
critique
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