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Tout l’univers

PEtienne Helmer
@29 Avr 2009

30 artistes de la Galerie Vu mettent en images le pouvoir et les limites de la représentation photographique.

Sous l’unicité de son nom, la photographie recouvre une multiplicité de techniques – surimpression, irisation, collages – appliquées à des images de natures différentes – reflets, photogrammes, affiches, peinture – et mises au service des propos les plus divers. Par l’inventivité de leurs propositions plastiques, les 30 artistes de la Galerie VU qui participent à l’exposition « Tout l’univers… » témoignent de la puissance d’un médium qui n’offre pourtant, à l’origine, que des traces du monde extérieur. Si cette banalité foncière de la photographie n’étouffe pas l’intérêt que nous lui portons, c’est que cette richesse fait jouer en chaque image, sur des thèmes ou des problématiques chaque fois singulières, quelque chose du pouvoir de la représentation.

Les photographes portés sur des thématiques sociales et politiques en sont sans doute les plus conscients. L’humour grinçant de M. Schriwanichpoom, qui se représente en costume scintillant dans des images extraites de l’actualité politique la plus violente ou dans des mises en scènes parodiques – un Déjeuner sur l’herbe clinquant et vulgaire – rappelle que, sous son évidence et son immédiateté apparentes, toute image est d’abord une construction reposant sur des conventions qu’il faut apprendre à lire. En reprenant la vision édulcorée et idéalisée que des cartes postales donnent du « Meilleur des mondes » – des barres d’immeubles de la banlieue parisienne – M. Pernot ne fait pas tant la démonstration du pouvoir mystificateur des images que de l’occultation de la réalité sociale et politique qu’elles peuvent produirent. Sa série Les Témoins, qui dissout les identités individuelles dans des types sociaux anonymes, va dans le même sens.

Cette visée analytique et critique, qui met à nu les artifices de l’image, n’est que l’envers de l’intention explicitement constructive assumée par exemple par Philip Blenkinsop. D’inspiration documentaire, ses images font état de catastrophes naturelles et de leurs dramatiques conséquences sur l’homme ; mais leur montage en séquence et les commentaires qu’il écrit sur leur surface fabriquent l’événement et son interprétation, portant ses photos au-delà du simple témoignage.

La photographie de l’univers familier ou privé est elle aussi édification d’un monde, et non son décalque naïf : les ex-votos de D. Darzacq – photographies de photographies de personnes qui ne sont familières que pour des individus anonymes – évoquent des vies et des attaches singulières, des univers affectifs cristallisés dans l’unité de ces images d’images, dont nous devinons les histoires secrètes.

Si les images façonnent nos représentations du monde extérieur, public ou privé, elles sont aussi prétexte à la représentation de soi et à ses ambiguïtés. Les autoportraits au miroir de M. Ackerman et de JH. Engström jouent ainsi sur leur prétendue évidence et sur la position en retrait du photographe dans son image : ne s’agirait-il pas d’autofictions, qui défont le mythe de l’image-miroir ?

Quelles limites, alors, au pouvoir des images ? Chez Jeffrey Silverthorne, le lien étroit qui unit la photographie, la trace la disparition et la mort, fait affleurer, à la croisée de la mémoire et de l’oubli, l’énigme de l’irreprésentable.

On ne saurait épuiser en quelques lignes la richesse de cette exposition. Elle décline avec subtilité ce que les photographies peuvent nous apprendre de la photographie, de ses stratégies et de son pouvoir.

Jeffrey Silverthorne
— Detroit Negatives, 1991.  Jetdencre. 60 x 50cm.

Denis Darzacq
— Ex-Voto 05, 1997. CPrint. 30 x 20 cm.

Hicham Benohoud
— La Salle de classe, 1994, 2000. Argentique. 40 x 50cm.

José Ramon Bas
— Ndar, 2008. Technique mixte. 40 x 50 cm.

Mickael Ackerman
— Sans titre, 1999. Argentique. 45 x 30 cm.

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