Jean-Paul Berrenger
Tout fait
Plus qu’une évocation du ready made, «Tout fait» réfléchit à la question du «faire» en mettant en perspective la notion de projet, le processus de fabrication ou l’origine d’un travail. Comment naît une idée, comment apparaît-elle, d’où vient-elle? Les carnets de dessin s’accumulent comme les objets trouvés, collectés, récoltés. Pourquoi choisit-on une idée en particulier, une image mentale au milieu d’un flot continu d’autres idées? Comment lui donne-t-on forme pour qu’elle apparaisse fidèle à l’intuition que l’on en a? Comment s’adapte-t-elle à la physicalité du volume, du plan et de l’espace?
Jean-Paul Berrenger travaille avec tout ce qui l’entoure: il trace des cercles au sol avec un chariot élévateur, se cache derrière une grosse pierre, fait une boule géante en papier aluminium, peint entièrement avec de la peinture fluorescente une botte de paille, transforme une enceinte acoustique en nid, photographie des sculptures de dos, fait vibrer la ligne d’horizon, ouvre et ferme une porte avec précaution, organise des concerts de téléphones portables, répertorie les mauvaises herbes, prend le moins de place possible, promeut les concerts de piano préparés à domicile, se sert d’une canne à pêche comme d’un cor des Alpes, se lève une heure plus tôt pour rester une heure de plus à ne rien faire, parle dans une pièce qui se vide, fait des rythmes avec une fermeture éclair, retourne des tableaux, matérialise son souffle, branche directement des enceintes acoustiques sur 220 V, collectionne les erratums, reconnaît son corps dans un schéma, classe les objets par odeur, réfléchit tout haut, fait de la musique avec des néons ou avec des prothèses auditives, collectionne des catalogues de vente sans procéder à aucun achat, fabrique une flûte avec une masse à rompre, compte jusqu’à 1000, reste immobile au milieu de la foule, filme un sac plastique poussé par le vent dans la rue, photographie des gens s’éclairant le visage avec une lampe torche, comble un trou, repense la signalétique urbaine, redonne vie aux morts…
L’ensemble de ces médiums utilisés de façon souple et expérimentale l’aide à construire la vision d’un monde à multiples facettes, à l’écoute des actions les plus simples de la vie courante, un travail sur la circulation des objets, des images, des idées. Lorsqu’on l’interroge sur sa pratique, Jean-Paul Berrenger parle tout d’abord de «concept raté» et de «minimalisme sale». Il prétend ensuite qu’il n’est ni photographe, ni sculpteur mais peut-être quelque chose entre les deux. Une sorte de touriste témoin d’actions banales, de «sculptures involontaires», un observateur dont le meilleur voyage serait celui qu’il a fait immobile sur sa chaise. Il répond enfin que «demain à 16h il se passera quelque chose et avec ça on peut faire autre chose».