Communiqué de presse
Marie Aerts, Stan Denniston, Léa Le Bricomte, Craig Leonard, Didier Marcel, Paulette Phillips, Warren Quigley, Stéphane Thidet, Dace Tiruma, Doriss Ung, Blake Williams
Tout contre nature
Un ensemble d’oeuvres issues de la production d’artistes venus d’horizons géographiques divers compose cette exposition qui est moins une exposition thématique qu’un rassemblement de questions posées par les oeuvres des artistes réunis ici.
L’observation esthétique et critique des environnements jalonne ce rapport aux mondes qu’entretiennent les artistes et cela, sans distinction d’époque et de moyens techniques employés (dessin, peinture, photographie, vidéo, sculpture, objet). Ce lien aux natures issues d’elles-mêmes ou de celles de l’homo faber est une constituante qui ne s’est jamais interrompue au cours de l’histoire des représentations de nos environnements.
Paysages et habitats, tensions et plénitudes, chaos et fragilité composent un tableau au destin d’incertitude pour l’ensemble de nos biotopes. Notre rapport aux mondes et à ses natures se (re)trouve confronté à des réalités dont la violence et la fulgurance sont à l’image de ce que nous lui infligeons sans relâche. Notre étonnement immature est proportionnel à la mesure de la réaction des éléments «naturels» ou de l’ensemble des systèmes mécaniques et de productions que nous avons inventé. Nos propres créations font naître des regards d’inquiétude sur des systèmes qui par nature sont instables.
Les oeuvres ici ne sont pas à lire de manière close par les liens qui semblent les unir mais témoignent bien davantage de préoccupations que les artistes font surgir depuis leurs pratiques. Ainsi, une «vue imprenable» devient ici un tableau vidéographique constitué depuis une collection d’images extraites de magazines gratuits et spécialisés pour le marché de l’immobilier.
Doriss Ung sélectionne des images qui vantent la rareté et le privilège d’une «vue imprenable»; alors même que la médiocrité et la petitesse originelles des images ne laissent entrevoir aucun des aspects décrits.
L’oeuvre de Stéphane Thidet souligne de manière métaphorique le caractère inquiétant de ce qui est censé être un refuge. Ici l’abri protecteur n’existe plus. L’élément naturel d’une pluie violente envahit l’espace clos y interdisant ainsi l’accès. Le Refuge est ici l’extérieur.
Alors que plusieurs types de kits de survie sont proposés par des magasins spécialisés pour des activités de plein air, (randonnées, escalades), Warren Quigley envisage l’avenir des artistes avec Le Guide de survie officiel, détaillé, complet, stratégique et instructif pour les artistes de Normandie durant l’Apocalypse. Rien de «millénariste» ici, mais plutôt une petite allégorie douce-amère à propos de la place de l’artiste dans la société «globale» où l’art, comme oeuvre de l’esprit, est jugé à l’aune des systèmes qui lui donne sa valeur financière. L’apocalypse ici n’est pas cette thèse de désintégration annoncée, mais souligne le désengagement inéluctable des principes fondateurs des démocraties pour l’accès des peuples aux formations de tout genre. L’abandon orchestré des principes de soutien aux productions poétiques conduira à une errance sur le côté de l’ubac, ce versant sans lumière. Les éléments construits ne s’interposent pas aux natures qui suivent le tracé de leur chemin.
Avec The Storm, Blake Williams constate, avec une sobriété de plans vidéo, la dévastation d’un littoral, d’un espace géographique où les souvenirs sont devenus des lambeaux. Par le biais d’incrustations d’images fantômes, il réinscrit des éléments qui simulent une présence passée, à moins que ces rémanences n’indiquent un renouveau social, familial et de plaisirs hypothétiques.
Floating House de Paulette Phillips présente une double lecture: celle, allégorique d’une mémoire à la dérive, d’une vie qui s’engloutit vers un abîme d’oubli ou à des habitations déplacées par obligation climatique comme le décrit l’oeuvre de Craig Leonard.
Ce tout contre nature est présent dans le travail de Marie Aerts par la figure d’hommes privés de leur tête. Tout comme les images de décollations habitent les musées, ses créatures errent dans un paysage hanté par un décombre dont quelques pans de mur surgissent d’un terrain sableux.
Le sable, structure mouvante par principe est le sol que Dace Tiruma a choisi pour une chorégraphie contraire à tout pas de danse classique. Cette danse titubante résonne comme une mise en scène ironique de la fragilité et instabilité des mondes.
L’humour est un principe récurrent dans le travail de Stan Denniston et l’oeuvre Second Nature entretient cette friction entre l’image du paysage représenté et la fiction qui complète ce tableau. Le paysage magnifié ici par sa composition photographique et le texte qui l’accompagne est pure fabrication.
Tout comme l’oeuvre de Didier Marcel, Sans titre (Préfab Church, d’après E.T), «qui modélise du banal, et présente sous forme de maquette […] un édifice à venir qui évoque un bâtiment d’élevage intensif […], et transforme ce local en un lieu de culte étrange».
Le Parachute doré de Léa Le Bricomte s’appréhende avec un regard oblique, et son observation depuis son apparente simplicité en réduirait une lecture plus subtile. Certes, s’il fait référence à des privilèges exorbitants qui protègent une classe supérieure, il indique également que cet Icare peut chuter depuis cette carapace d’or. Moins poétique que son unique objectif d’une vue d’en haut et de l’assurance d’une chute en douceur, le parachute ici, n’est plus un objet qui prévient de la chute. Mais cette cuirasse contre-nature est ici comme la parure d’un nouveau conquistador, celui au casque d’or, et dont l’effondrement reste programmé. Ce parachute doré, alors en plein vol, permet de contempler que sans métamorphoses, le bout du monde n’existe plus.