Par Coline Arnaud
Ouvert depuis plus de 14 ans, le salon Maison et Objet de Paris accueillait cette année un petit nouveau dans ces vastes locaux de Villepinte. Le Paris des chefs proposait à plus d’une quinzaine de créateurs de s’associer le temps d’un repas pour changer notre perception des aliments. La cuisine n’est plus seulement vectrice de gourmandise. C’est le point de départ d’œuvres purement graphiques et formelles. Dans cette perspective, les lignes des légumes se confondent avec le tracé d’un plan et la courbe d’un fruit à la structure architecturale d’un immeuble. Drôles, inventives, les associations inédites des plats de notre quotidien et de réalisations contemporaines nous invitent à dépasser le plaisir du goût pour celui de l’esprit et de l’imagination. Fertiles, ces associations, qui ont vu collaborer Thorsten Schmidt et Eric Benqué, ou encore Iñaki Aizpitarte et Anne Xiradakis, invitent également à reconsidérer la création actuelle comme le reflet de notre quotidien. Un moyen comme un autre de rendre ces pratiques plastiques plus ludiques que conceptuelles, plus matérielles que réflexives, comme le confirme les organisateurs : « Cuisine et design partagent les mêmes valeurs. » Largement subventionnée par Nespresso, Magimix, Henaff, Bonneterre et le magazine Omnivore, cette journée fut également l’occasion pour les marques et éditeurs d’adapter leurs produits à ce nouveau type de consommation.
Si ces derniers sont à l’honneur, c’est que ce sont justement eux les premiers clients de cette cuisine des yeux et de l’esprit. Les journées proposées par Design à Paris confirment cette tendance en créant des parcours « Découverte du Food design » pour les entreprises. Au programme : leçon avec un grand chef, visite d’une librairie spécialisée et dégustations. Conviviale et interactive, cette initiative permet également aux industries de la restauration et de l’agro-alimentaire de suivre cette tendance en mêlant à leur tour le plaisir du regard et saveur des yeux. Il ne s’agit plus cependant, comme le font certaines marques d’eaux minérales, de s’associer la créativité d’un couturier ou d’un designer célèbre. Plus complexe, le Food design revisite les habitudes, codes et reflexes habituellement liés au repas. Véritable défi culinaire, cette tendance trouve cependant un écho favorable auprès des grands groupes qui voient dans ces innovations un moyen de changer notre consommation et de la rendre plus innovante. Le coût de ces associations reste néanmoins trop élevé pour être lancé directement sur le marché, et la plupart des clients de ces journées découvertes préfèrent attendre de savoir avec certitude si l’engouement se confirmera dans les mois à venir.
Le doute n’est en tout cas plus permis pour le sud de la France, où le foie gras semble éclipsé depuis peu par le vin en fusion de Laurent Moriceau. Ses œuvres sont actuellement présentées à la Cuisine, centre de création, art et design appliqué à l’alimentation. Situé à Nègrepelisse, dans le Tarn et Garonne, cet espace prospectif de production, d’exposition et de débat est dédié à la production artistique contemporaine qui questionne l’alimentation, les us et coutumes de la table et, implicitement, les enjeux et le devenir d’une époque du consommable. Ce nouvel établissement accueille jusqu’au 28 février 2009 une rétrospective sur le vin, symbole de la région. Revisitant le poncif du « ballon » et des vendanges, les designers usent de leur créativité gustative pour reproduire la convivialité et l’échange liés au partage des fruits de la vigne. Loin de toute logique commerciale, les œuvres de Peter van Der Jagt et des 16 &12 s’amusent à réinventer du lien social autour d’une pratique en voie de disparition : le p’tit verre d’apéro. Et si le vin qui le remplit est blanc et congelé, c’est encore mieux…