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Toucher terre

Composé tel un livre d’artiste, Toucher terre regroupe des photographies de Florence Chevallier reproduites en très grand format et un texte de Christian Bonnefoi. Dès la première page, le lecteur est confronté à un travail photographique qui échappe à la loi de la présentation sérielle et, dont le seul but est d’engranger des images pour la mémoire.

Information

Présentation
Christian Bonnefoi, Florence Chevallier
Toucher terre

Toucher terre se compose tel un véritable livre d’artiste en une seule suite d’images. Un texte de l’artiste Christian Bonnefoi est imprimé sur un livret à part glissé dans l’ouvrage.

Dès la première page, le lecteur pénètre dans un univers de photographie, des images reproduites en très grand format, et croise des personnages semblant sortis d’une épopée mythologique, saisis dans des gestes et des postures les décrivant dans des instants de gravité ou de grâce, au milieu d’espaces toujours empreints, même s’ils nous sont étrangement familiers, d’un ailleurs.

«Les photographies se répartissent en trois genres, ou plutôt en trois types de figures: l’humain, le construit, le végétal, pris dans le filet unique du paysage (ou de l’espace) qui joue ici, à peu près, ce que les gens de cinéma appellent une “découverte”. Pendant que je feuillette le livre, un autre filet, de couleurs celui-là, de rouille, d’ocre, de vert, de blanc et de noir, s’étend sur l’ensemble, ajustant la nonchalance de son vol à la précision de sa prise. […]

Toucher terre est le titre du livre, dont le sous-titre pourrait-être La Revanche d’Antée; d’un livre plutôt que d’un catalogue.

Les photographies qui y sont incluses ne laissent pas apparaître, au premier coup d’œil, l’indice d’une méthode ou d’un thème. Elles échappent à la loi quasi obligatoire du genre qui est la présentation sérielle, parce qu’elles sont recueillies non pas simplement au hasard d’une promenade où les choses s’accordent selon une certaines linéarité et selon une certaine convenance de la réalité, mais dans le but certain “d’engranger des images” pour la mémoire dans la mesure où celle-ci, déjà préparée par l’expérience passée, agit en tant que mémoire sélective, et s’arrête non pas à des thèmes ou des images circonscrites, mais à des détails de forme, de texture, d’attitude, de couleurs: à des fragments, à des articulations et à des directions qui trouveront leur sens, plus tard, et selon le mode d’une composition mentale (la nôtre, spectateur) ou de l’association d’idées.
Cicéron disait que, pour se remémorer un discours, il fallait n’en retenir que certains aspects sous formes d’images “aux contours acérés et aux couleurs vives”.

L’instant unique ne préside pas au choix du cliché, mais la mémoire, déjà et toujours en marche, qui mobilise l’affect propre à l’auteur et confère à la somme des photos la qualité d’un style qui échappe à la rhétorique de l’art photographique. Car s’il y a, dans le désordre apparent, une unité ou un style, c’est bien parce que les photos ne sont pas confiées aux seules formes saisies par l’objectif, mais à quelque chose de bien plus subtil qui est comme un fleuve, un écoulement, le mouvement du vent visible uniquement par l’action qu’il imprime aux choses légères, feuilles, cheveux ou poussière, quelque chose en train de se former: “le passé penché sur le présent, tourné vers l’avenir”, un temps dont chaque marque (chaque photo, chaque instant) ne dure que pour s’étendre en une autre, comme si l’intervalle, d’une photographie à l’autre, était la trainée d’un souvenir ou d’une rêverie qui tenterait de prendre figure là où sa nature même de passage, volatile et fragile, s’oppose à toute certification ou sédimentation, mais ne laissant pas moins subsister sur chaque photographie, à défaut de figure, l’étirement alangui de ses qualités fugaces et désincarnées, à la façon dont un paysage donnée se transforme sous l’œil selon les modifications apportées par la variation de la lumière ou celle du vent.»
Christian Bonnefoi

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