Artus de Lavilléon
Tomorrow is the first day of the rest of your li(f)es
L’artiste et son double
On pourrait dire qu’il y a deux Artus de Lavilléon. Le premier semble être un jeune homme dans le coup, au succès facile. Le second se révèle plus engagé et bien plus politisé. Le premier est connu pour ses dessins au graphisme simple, presque évident. Le trait d’encre se révèle net et précis. Le sujet, conçu d’après photo, se compose du quotidien de l’artiste: les amis, la famille, le skate, les soirées…
Réminiscences de la BD, qui a bercé son enfance, ou du bon et mauvais cinéma, qu’il découvrit dès l’âge de 6 ans, sont aussi évidentes. Quelques phrases extraites de leur contexte ajoutent à l’humour des situations. Le public y adhère immédiatement, le monde de la mode l’approche. Le succès est là  ! Il aurait pu se contenter de réitérer pendant un long moment ces tranches de vie en noir et blanc. Seulement Artus de Lavilléon se demande si, au final, il aime dessiner… et raconter sa propre histoire.
Car il souhaite renouer avec ses premières amours et montrer son lien avec la peinture. L’art et la vie d’Artus sont liés depuis toujours. Il aime Malevitch pour le côté révolutionnaire dans lequel il se reconnaît. Il chérit Debord pour son utilisation du noir total au cinéma et en souvenir de sa mère qui fréquenta les lettristes. Encore aujourd’hui, Artus de Lavilléon a peut-être la naïveté de vouloir changer le monde et admire ceux qui le mettent à bas. Sa culture picturale se forma sur une certaine idée du sale, de l’informe, de l’usé. Il se pencha sur les matières de Tà pies et celles de Soulages.
Durant son adolescence de skateboarder, il se passionna pour les messages des graffitis et ce côté dirty qui le conforta dans l’idée d’une existence peu banale. Le détournement des mots lui rappelle aussi celui des situationnistes. Tout commence à se rassembler et avoir un sens. En peinture, il ne peut utiliser aujourd’hui que trois couleurs: le noir, le blanc et le rouge. Souvent, il reprend des toiles achetées aux puces et se les réapproprie en y ajoutant sa pâte, ou plutôt son écriture. Du vrai ou de la « copie », de l’original à l’ajout, il s’interroge pour savoir quelle est la meilleure œuvre. Une question que l’on peut renvoyer à l’art en général où la notion de l’emprunt a toujours existé, transformée aujourd’hui en « customisation ».
Récemment Artus de Lavilléon a séjourné quelques mois en Chine. Et là , le second Artus s’est réveillé dans ce pays aux droits de l’homme que l’on connaît, auxquels s’ajoute la polémique des jeux olympiques. Il était parti avec un ensemble de photographies qu’il comptait coucher sur le papier, toujours en noir et blanc et à l’encre de Chine ! Mais il se sent sur place en devoir de montrer l’omniprésence économique de ce pays et son assise croissante sur les Etats-Unis.
Animé par sa vieille passion du cinéma, il revoit quantité de films américains dont il capture des images et des phrases qu’il mélange. Il souhaite toujours avoir un discours clair et mêler la bonne à la mauvaise culture. Les séries s’épanchent sur les cow-boys et les boxeurs, agrémentées de maximes comme « Tu seras toujours en retard d’un coup de poing », « A grand pouvoir, grande responsabilité » ou « L’attitude d’un homme détermine ce qu’il sera » ! Au-delà du tragi-comique de la situation, on y voit la métaphore des Etats-Unis pliant devant la Chine et le clin d’œil aux graffitis politiques des années 50. La boucle est bouclée, avec cohérence, tout en permettant à l’artiste de s’affirmer davantage dans ses choix idéologiques.
Article sur l’exposition
Nous vous incitons à lire l’article rédigé par Céline Piettre sur cette exposition en cliquant sur le lien ci-dessous.
critique
Souviens-toi de Maryse Lucas