A l’initiative du Mobilier national, quinze créateurs sont exposés à la galerie des Gobelins pour cette nouvelle édition de « Tombée de métier ». Autour de cette exposition, le designer Noé Duchaufour-Lawrance a eu carte blanche pour présenter ses propres œuvres, des meubles recouverts d’un drap blanc.
Entre tradition et modernité
Image même de la tradition artisanale, le Mobilier national regroupe un ensemble de manufactures historiquement situées à Paris, dans le quartier des Gobelins et sur la colline de Chaillot, et à Beauvais. Des ateliers de dentelle, implantés en 1976 à Alençon et au Puy-en-Velay, complètent la production de ces manufactures. Ces institutions sont de véritables conservatoires de techniques artisanales menacées de disparition pour certaines d’entre elles.
Les manufactures des Gobelins et de Beauvais, créées par Louis XIV, sont respectivement spécialisées dans la fabrication de tapisseries de haute lisse sur métier vertical, et de tapisseries de basse lisse sur métier horizontal. Quant aux ateliers de dentelle, ils produisent des ouvrages selon des motifs traditionnels et des dessins d’artistes contemporains.
C’est dans un tel cadre que peuvent se rencontrer artisans d’art et créateurs contemporains même si, depuis l’origine, lissiers et artistes ont toujours étroitement collaborés. Comme le montre l’exposition « Tombée de métier », un tel état d’esprit se perpétue jusqu’à aujourd’hui, où de nouveaux créateurs donnent aux lissiers des modèles à l’origine d’œuvres qui, tout à la fois, renouvellent le genre et prolongent l’utilisation des techniques traditionnelles de fabrication. Le savoir-faire textile est ici au point de rencontre de la tradition et de l’innovation.
« Tombée de métier » donne corps à cette rencontre en permettant à des peintres, dessinateurs, designers, et architectes contemporains de proposer des projets dont la nouveauté même sera inspire, sinon guide, les lissiers. L’art textile s’offre à ces derniers comme un moyen privilégié d’exprimer leur vision du monde, à l’image de Sheila Hicks, qui confond peinture et sculpture pour créer des toiles d’étoffes et des sculptures molles faites de fils de laine de couleur, de lin ou de corde synthétique tissés.
Carte blanche
A cette exposition, s’ajoute celle consacrée au designer Noé Duchaufour-Lawrance intitulée « Carte blanche de la Galerie des Gobelins ». Invité à prolonger « Tombée de métier », il a choisi de mettre en scène des meubles – chaises, tables, bureaux – en les recouvrant d’un drap blanc, les transformant ainsi en masses fantomatiques. On peut y voir ses toutes dernières pièces réalisées avec l’Atelier de Recherche et de Création (ARC) du Mobilier national.
Ce mobilier fait de chêne évoque la tradition française de l’ébénisterie et est orné d’une coque composite en fibre de lin gainée de cuir blanc. On le voit, les objets conçus par Duchaufour-Lawrance allie le savoir-faire de l’ébénisterie d’art et la technologie des matériaux composites. Les parties menuisées de ces meubles étant particulièrement travaillées font référence aux techniques d’ébénisterie et de menuiserie les plus perfectionnées, alors que les coques en fibre de lin sont volontairement dissociées des parties en chêne du meuble, paraissant flotter au-dessus de celui-ci. Un tel choix établit un contraste entre les matières utilisées mais en souligne leur harmonie possible, et donne forme à l’inspiration du designer puisque la coque de lin partiellement gainée de cuir blanc rappelle les draps déposés jadis sur le mobilier des maisons que l’on s’apprêtait à fermer.