Avec Another look at memory, Thomas Lebrun propose une pièce pour quatre danseurs. Sur une musique de Philip Glass, le chorégraphe livre une Å“uvre où les corps s’entrelacent, se confondent et se délient. Pour présenter sa création, Thomas Lebrun cite Marguerite Duras. « Après chaque livre je me dis que c’est fini que je ne peux plus vivre comme ça dans cet… cet aparté infernal. Il n’y a pas… Il n’y a pas d’écriture qui vous laisse le temps de vivre… […] On n’est personne dans la vie vécue, on est quelqu’un dans les livres. Et plus on est quelqu’un dans les livres, moins on est dans la vie vécue*. » De la polyphonie des chÅ“urs de Philip Glass à l’ambivalence du cÅ“ur de Marguerite Duras, Another look at memory explore la mémoire partagée.
Thomas Lebrun : écrivain des corps, sur les chœurs polyphoniques de Philip Glass
Trois des quatre danseurs d’Another look at memory dansent avec Thomas Lebrun depuis au moins dix ans. Trio dansé (Maxime Aubert, Anne-Emmanuelle Deroo et Anne-Sophie Lancelin), la pièce s’achève néanmoins sur un quatuor. Lorsqu’un jeune danseur (Raphaël Cottin) intègre le cercle des intimes. Cette complicité, par-delà les mots, autorise une écriture dansée fusionnelle et vraie. « Les trois danseurs de cette création me suivent dans le travail depuis une dizaine d’années […]. Ils connaissent mon écriture et me l’inspirent, je connais leurs corps et leur investissement, leur entièreté, la vérité de leurs langages. Ils font partie de ma vie, de mon chemin d’auteur, de chorégraphe… d’écrivain des corps*. » Polyphonique, la musique Another Look at Harmony de Philip Glass amplifie l’oscillation entre fusion et distanciation. Avec Another look at memory, Thomas Lebrun défie ainsi la dualité corps / esprit, chorégraphe / danseur.
Another look at memory : le danseur est un corps qui raconte
À propos de ses danseurs, Thomas Lebrun explique : « Ils n’incitent pas de questionnement sur cet état de danse, cet état privilégié de n’être personne qu’un corps qui raconte, […] qu’un corps habité par ses mémoires. C’est quand on danse qu’on atteint ça* » . Tel l’écrivain, autant mangé par l’écriture que constitué par elle, la danse de Thomas Lebrun s’électrise entre fusion et séparation. Successivement ou simultanément, comme les voix des chÅ“urs de Philip Glass, les danseurs déploient ainsi corps et mémoire. À la simultanéité charnelle de l’être ensemble, succède alors la mémoire individuelle, où chacun repart avec ses souvenirs. Mais à la séparation des corps fait suite l’intrication des souvenirs communs. La pièce Another look at memory, explore ainsi cette étrange superposition intime, entre fusion et séparation.
* Thomas Lebrun cite une interview radiophonique de Marguerite Duras (1980) : Marguerite Duras, Le ravissement de la parole, Les grandes heures Ina / Radio France, 2016. [Source : http://www.ccntours.com/diffusion/prochaines-creations/another-look-at-memory – consulté le 15.11.2017].