Avec Sens (2018), Thomas Guerry (Cie Arcosm) embarque les publics dans un voyage en poésie. Pièce pour quatre interprètes de générations différentes, Sens oscille entre danse, mime, cirque et film. Au gré d’une histoire pleine d’histoires. Accessible dès sept ans, Sens parlera à toutes les âmes rêveuses et heurtées. Mais avant d’embarquer, Sens commence par un court-métrage. Réminisens. Un film de dix minutes, que tous les publics sont invités à visionner avant de plonger dans la pièce. Ce n’est pas anecdotique : c’est le socle. Généralement, aller voir un spectacle c’est faire une entaille dans son quotidien personnel (seul, à deux, ou en petit comité). C’est arriver avec ses bagages et repartir avec. Mais Sens fonctionne différemment. Pour entrer dans la pièce, il faut poser ses bagages, prendre ceux de Claude, dans le court-métrage, pour ensuite passer la porte vers l’autre monde. Celui de l’imaginaire et du spectacle.
Sens de Thomas Guerry (Cie Arcosm) : pour entrer dans la danse, passer par le film
C’est donc en visionnant le court-métrage que l’entrée dans la pièce se fait. Réminisens donne la direction, et dote tous les publics d’une mémoire commune. Autant de leitmotivs qui reviendront dans la pièce, sous d’autres formes, sous toutes les formes. Réminisens, c’est l’histoire de Claude. Une plongée dans sa vie d’enfant, d’adulte. Avec des sons, des goûts, des regards, des absences, des mouvements, des rythmes… À quoi se résume la mémoire d’une vie ? Il y a les enchaînements logiques, implacables ; et puis il y a l’imaginaire, comme une fuite — celle dont Henri Laborit aura fait l’éloge. Et dans cette fuite comptant parfois trop de queues et de têtes : des récurrences, des réminiscences. Tantôt hostiles, tantôt consolantes. Arrivé à un âge vénérable, avec une chevelure en forme de bouclettes blanches, Claude s’installe maintenant sur scène. La tête dans le nuage de ses souvenirs. Et la pièce commence.
De Réminisens (court-métrage) à Sens (pièce) : un périple poétique au présent
Interprétée par Matthieu Benigno, Nicolas Grosclaude, Mychel Lecoq et Noémie Ettlin, Sens invite les publics à se glisser dans une autre boîte à souvenirs. Une autre vie avec ses tristesses, ses ressorts comiques, ses ritournelles en gouttes de pluie d’été, ses sourires magnétiques et pirouettes virtuoses. Mais plus encore que la poésie, la pièce raconte une histoire que tout le monde peut entendre. Le début de la vie fait le plein de motifs contingents. Et l’existence entière transforme ces cailloux en perles. Comme autant de scrupules à envelopper de nacre, encore et encore. Et c’est là qu’intervient une forme de liberté. Sur scène, les interprètes virevoltent. Tantôt narrative, la pièce parfois décolle complètement. Quand le maelström mémoriel devient abstraction, pure matière à volutes acrobatiques. Rien ne s’efface mais le sens se perd, et les portes s’ouvrent alors. Ici, sur un univers poétique, bariolé, irrigué par la musique de Clément Ducol.