Présentation
Christine Ollier, Matt Wilson
This place called home
A l’instar des carnets de voyages de l’anglais Bruce Chatwin qui nous ont livré une vision incroyablement sensible et humaniste d’un monde aujourd’hui à jamais perdu, l’errance photographique de Matt Wilson, lui aussi globe-trotter anglo-saxon, produit par fois quelques images des différents pays qu’il parcourt sans à priori, et selon l’humeur et les rencontres.
A ses débuts, il a photographié un peu partout en Europe, à commencer par son pays natal l’Angleterre, mais aussi en France, pays avec lequel il a des affinités, sans omettre les pays de l’Est où il retourne fréquemment entre deux séjours plus exotiques à Cuba.
Plus récemment, Wilson a fini par désirer parcourir un vaste continent: les Etats-Unis où il habite depuis un quinzaine d’années. Il a pu craindre de toucher à ce territoire-là , tant les photographes américains s’en sont magnifiquement chargés, mais là encore son travail échappe aux icônes préétablies. Son étonnante vision délivre des instantanés de paysages et d’hommes brûlés par un soleil brutal, finissant parfois par se coucher sur cette rude contrée. L’errance de Matt Wilson voisine plutôt celles de Wim Wenders ou de Jim Jarmusch que celles de William Eggleston ou de Stephen Shore. Il s’écarte de la new topography en conférant une aura pittoresque, voire cinématographique, à des scènes ordinaires: maisons décaties, vieilles américaines abandonnées, paysans burinés asséchant une bière, panneaux style Far West gisant déglingués dans les herbes hautes…
Peu nombreuses certes, mais si particulières, ces photographies modestes, voire anodines, dans leur sujet sont, de plus, présentées — à l’encontre des tendances actuelles de la photographie contemporaine —, dans de si petites dimensions que nous sommes obligés de nous arrêter pour les scruter de plus près. L’image est, la plupart du temps, quelque peu endommagée à cause des films parfois hors d’usage que l’artiste utilise.
Le résultat visuel est opalescent avec un grain très présent et une lumière décadente provoquant des zones d’ombres intimistes dans les scènes nocturnes ou un rendu charbonneux et embrumé dans les paysages diurnes. Cette technique de prise de vue «aléatoire», qui intègre l’accidentel à la vision photographique, fonde le langage de Matt Wilson.
Tout ceci finit par nous troubler la vue pour, petit à petit, nous aimanter et nous faire basculer dans un univers poétique et hors du temps. Au fur et à mesure, cette écriture structure l’ensemble par une trame visuelle, vaguement narrative, qui nous mène dans des contrées fictionnelles à la limite d’un rêve éveillé.»
Christine Ollier