Noam Toran
Things Uncommon
Plutôt que d’offrir des solutions fonctionnelles à des nécessités comme le designer s’y emploie habituellement, le parti-pris de Noam Toran consiste à répondre avec humour à des besoins psychologiques individuels. Ainsi que le suggère le titre de l’exposition, «Things Uncommon» — qui peut se traduire à la fois par objets rares, étranges ou différents tout en suggérant une même famille d’objets — le design de Noam Toran s’adresse à la part d’étrangeté qui sommeille en chacun de nous.
Diplômé et professeur au Royal College of Art, Noam Toran s’intéresse aux relations entre cinéma et design ; deux disciplines nées avec l’émergence de la modernité. Après avoir répertorié dans quantité de films, les objets significatifs qui contribuent à la narration, Noam Toran s’approprie la dimension culturelle qui les caractérise pour créer de nouveaux objets et en faire les principaux protagonistes de ses films.
Parmi les oeuvres exposées au Lieu du Design, le visiteur découvre l’installation Desire Management (coll. Frac Ile-de-France). Soit un film et une installation de trois prototypes, répondant tous à des commandes réelles ou virtuelles, et qui stimule chez le visiteur plaisir, surprise et réflexion. Parmi les objets produits: un curieux trolley pour hôtesse de l’air, un lit/valise/terrain de base-ball et un étrange aspirateur au pouvoir érotique semble-t-il indéniable — ou du moins pour son propriétaire.
Parallèlement à cette installation, le Lieu du Design présente Object for Lonely Man (2001). Hommage au célèbre A bout de souffle de Jean-Luc Godard, ce film est construit à partir de quelques scènes organisées autour du premier objet fictionnel de Noam Toran et pensé autour des objets clés du film (un pistolet, un téléphone, The Herald Tribune, une paire de lunettes de soleil, un paquet de Gitanes, …). Brillant concentré de son univers, ce film est le point de départ de toute son oeuvre.
Autre pièce importante dans son parcours: la série The MacGuffin Library (depuis 2008, en co-réalisation avec Onkar Kular). Attribués à Alfred Hitchcock, les MacGuffin sont des objets souvent mystérieux et prétextes au développement d’un scénario (la sculpture du Faucon maltais, la valise dans Pulp Fiction, …).
Partant de ce principe, Noam Toran imagine une bibliothèque in progress composée aujourd’hui de seize MacGuffin pour des films inexistants mais liés à des synopsis qu’il écrit dans l’esprit d’un Borges ou d’un Carver. Placés l’un à côté de l’autre le texte et l’objet sont les points de départ d’un film que le visiteur continuera à imaginer.
Enfin, Noam Toran présente son dernier film: If We Never Meet Again (2010). Point de départ d’une scène à suspens, l’échange entre deux hommes d’une enveloppe contre une valise invite le spectateur à spéculer sur le contenu de ces deux objets aux fonctions tout à la fois réelles et symboliques et à se remémorer des scènes similaires et dites de genre.
Parallèlement à l’exposition et à l’invitation des Galeries Lafayettes — aux côtés du Centre Pompidou, des Arts décoratifs, du Musée d’art moderne de la Ville de Paris, du Palais de Tokyo, de la Cité de l’architecture et du patrimoine, de la Maison rouge et du Parc de la Villette — Noam Toran investit une vitrine du boulevard Haussmann pour l’événement Paris et Création (12 juillet – 5 août).
Clin d’oeil amusé au grand magasin et à l’exposition au Lieu du Design, l’intervention de Noam Toran présente une installation animée et illuminée de la Obsolete Machine n°1 qui s’anime régulièrement pour agrafer et désagrafer un soutien gorge. A ne pas manquer !
critique
Things Uncommon