Gilles Barbier
There is no Moon without a Rocket
L’exposition «There is no Moon without a Rocket» est une fenêtre ouverte sur la pluralité. Chaque oeuvre, absolument inédite, découle d’une «possibilité de monde» imaginée par Gilles Barbier (le Monde en forme de Tong, le Monde Motte de terre, le Monde comme une Maison sur un arbre, le Monde en forme d’Histoires tissées, le Monde «Peanut»…).
Comme pour les grands mythes fondateurs (judéo-chrétien, big-bang, monde quantique, légendes indiennes…), chacune des histoires inventées par l’artiste donne une forme et une cohérence à un monde potentiel. Toutes ont été construites selon une procédure logique.
1- Un postulat, toujours arbitraire, indéfendable, et totalement subjectif (ex: la terre est plate / le monde a été créé en sept jours / le monde a une forme de tong). Ce postulat donne sa forme au monde.
2- Une batterie d’axiomes, de théorèmes ou d’apparentes évidences permettent à leur tour de donner une articulation, un squelette, un «organigramme» au monde. Outils logiques quand le monde a décidé d’être logique (par deux points ne peut passer qu’une droite), ils deviennent tout aussi bien théologiques, magiques, insensés, délirants ou névrotiques comme c’est souvent le cas (ex: la femme est née de la côte d’Adam, la lune est la soeur du soleil, le Grand Créateur s’est fait manger la jambe par le Grand Requin).
3- Une fois le monde créé, il faut vérifier son «bon fonctionnement», s’assurer la cohérence interne de l’ensemble de la construction. S’il y a un «trou», une chose inexpliquée et inexplicable, il faut inventer un nouvel axiome pour permettre de le combler ; c’est ainsi qu’est constituée par exemple toute la Géométrie.
Dans la pratique, lorsque le nombre de «trous» ou de «bogues» atteint une taille critique, il faut remettre en cause le mythe créateur et créer un nouveau système… Et cela n’est pas sans danger; Galilée quand il déclare que la Terre tourne autour du Soleil et non l’inverse, Darwin lorsqu’il affirme que l’homme descend du singe et non d’Adam, Einstein lorsqu’il invente la théorie de la Relativité ou les premiers artistes de l’abstraction ou du monochrome… Tous peuvent en témoigner !
Toutefois, grâce à la science-fiction et à l’avènement des mondes virtuels, à la théorie de l’information, aux techniques de modélisation ou encore aux travaux philosophiques sur la pluralité des mondes, nous avons désormais les outils conceptuels et théoriques, mais surtout l’aise de faire de la forme du monde un espace poétique et parfaitement libre, indifférent à toute vérité définitive.
Profitant de ces outils, Gilles Barbier (d)écrit dans cette exposition une série de mondes construits autour de ses motifs d’élection: des trous, des soupes, du langage, des trames, des clones, des socles instables… Chacun de ses mondes — et aucun n’échappe au sourire grinçant adressé à l’ «Univers de l’Artiste» — trouve sa place en tant que bulle au sein d’une structure générique: la Mousse. Rendus ainsi à leur fragilité, à leur caractère éphémère mais aussi expansif, les mondes qu’il nous fait découvrir au travers de grands dessins et sculptures n’en constituent pas moins un statement de sa propre pratique.
Une série d’articulations à l’intérieur de son oeuvre proliférante et un clin d’oeil à ce qu’il nomme ses «machines de production». Une façon nouvelle et réjouissante de «faire le point» avant la nouvelle étape que l’artiste compte faire passer au corps tentaculaire de son oeuvre… (Ce texte a été très largement inspiré par une lettre écrite par l’artiste à Boris Achour et parue dans le n°5 de la revue Trouble en 2005).
Article sur l’exposition
Nous vous incitons à lire l’article rédigé par Elisa Rigoulet sur cette exposition en cliquant sur le lien ci-dessous.
critique
There is no Moon without a Rocket