Peter Aerschmann, Marc Bijl, Martha Colburn, Christoph Draeger, Maximo Gonzalez, Satch Hoyt, Alexei Kallima, Thomas Locher, Pavel Pepperstein, PG Group, Javier Tellez.
Theatrum Mundi
Le théâtre qui se dessine avec les œuvres et les artistes de cette exposition est celui d’un monde fragmentaire, violent, parfois drôle, souvent discordant. Provenant d’univers artistiques et culturels différents, ce sont des styles et des modes de pensée qui s’entrechoquent et se bousculent.
Sans faire de commentaire ni de discours politiques, ces artistes ne renoncent pas à écrire l’histoire de notre époque et de sa désintégration, dans le chaos noir des injustices et de la perte de sens. Leurs œuvres sont ici comme des armes qui traversent l’espace social et culturel d’un monde tourbillonnaire et chaotique.
Avec sa pièce, Portculliss, Satch Hoyt étudie le profilage racial («racial profiling») et la brutalité policière envers la communauté afro-américaine. Faite entièrement de 160 matraques de police, la pièce s’accompagne d’un environnement sonore éloquent où, comme un écho à cette brutalité institutionnelle, résonnent les voix de ses victimes.
En détournant une œuvre célèbre de Joseph Beuys faisant référence à Baader-Meinhof, Christoph Draeger réactualise l’histoire de l’Allemagne des années 60/70 et déclare qu’ il «emmènera personnellement Osama Ben Laden à la Dokumenta XII».
Thomas Locher introduit entre les lignes des textes fondateurs des démocraties occidentales la voix d’un sujet anonyme, qui interroge l’efficacité des grands principes universels.
Javier Tellez, artiste vénézuélien, semble lui répondre en recueillant les écriteaux des sans-abri avec lesquels il confectionne des petites maisons en carton dont la naïveté faussement enfantine accentue le caractère dérisoire de son geste. Il a réalisé cette œuvre lors d’un séjour à Paris.
Comme s’il s’agissait des codes d’une société secrète, Marc Bijl rassemble les signes formels des cultures underground gothique, punk ou hippy, puis les réactive et les dissémine dans le monde de l’art, tels des virus dangereux.
L’argent et le pouvoir sont les thèmes récurrents de l’œuvre de l’artiste argentin Maximo Gonzalez. Travaillant depuis une position critique et ironique, il nous propose une interprétation de l’histoire tourmentée de l’Amérique Latine dont les vieux billets de banque dévalués sont la matière première.
La vidéo-peinture entrecoupée Destiny Manifesto de Martha Colburn établit un parallèle grinçant entre le mythe persistant de la conquête de l’Ouest des Etats-Unis et les images utilisées pour vendre et promouvoir la guerre aujourd’hui.
Les aquarelles énigmatiques et gracieuses de Pavel Pepperstein interrogent quant à elles les symboles de l’impérialisme américain, flottant sur un océan déchaîné.
L’artiste russo-tchétchène, Alexeï Kallima, dessinateur surdoué, évoque ce qui est peut-être le plus odieux aujourd’hui en Russie : les boeviki, guerriers tchétchènes qui, sous son fusain, deviennent des héros intemporels sortis d’une fresque de Masaccio.
Le PG Group, collectif d’artistes russes également installés à Moscou, s’attache à souligner l’ambiguïté entre graphisme, publicité et propagande de mauvais goût, comme si le théâtre du monde était devenu un film de série Z.
Enfin, la vidéo de Peter Aerschmann ouvre une fenêtre circulaire qui déverse le flot ininterrompu des actualités et de ses catastrophes, sur fond d’images virtuelles formant le paysage irréel de la vie quotidienne. Les habitants de ce pays, surveillés au télescope, deviennent les marionnettes d’un Theatrum Mundi incompréhensible et absurde.
En collaboration avec Arielle Pelenc, critique d’art.