PHOTO | CRITIQUE

The Uncovered Works of Hannah Berman

PYaël Hirsch
@12 Jan 2008

HB ou Hannah Berman, alias Heather Bennett, propose à la Galerie Eva Hober un exercice de transformisme photographique. En quatre photos et un film, une ballade de la dépendance sexuée très ironique, où elle incarne avec une application qui les rend «clichés» les grands fantasmes masculins sur la femme.

Inspirée par les caméléons grandioses de la génération de photographes féministes qui l’a directement précédée (Cindy Sherman, Nan Goldin…), elle se présente les yeux bandés, en lingerie fine, maîtresse d’une cérémonie occulte d’une «sorority» universitaire.
Puis c’est en cow-girl espiègle qu’elle apparaît, chapeau sur la tête, cils cillant suggestivement, et cheval solidement tenu au mors. Bien sûr cette «Docteur Quinn, femme catin» que joue Heather Benett ne saurait se passer de compagnons masculins. Si possible africain ou asia-americain. Pour le contraste orientaliste des peaux.

Sur fond blanc pur de chambre d’hôtel ou de villa californienne, on la retrouve en déshabillé rêveur, le regard boudeur détourné de l’objectif pour mieux se laisser objectiver aux côtés d’un amant japonais endormi sur le flanc comme une muse. L’Américaine n’a évidemment «rien vu à Hiroshima», pas plus qu’elle ne peut voir quoi que ce soit à l’arrière de sa voiture hollywoodienne plongée dans la nuit américaine.
Assis à ses côtés sur le siège arrière, son compagnon se distingue à peine de la nuit et de son tuxedo dans les néons aveuglants et les décors rétros qui caractérisent les «Films noirs» de L.A à l’âge classique.

Pour le clou de cette «surexposition» photographique, c’est seule qu’Heather Bennett se met en scène. Elle tient le bouquet final de roses rouges à la main, ses souliers et ses lèvres sont vermillon, et ses cheveux, roux à la Rita Hayworth. Joue-t-elle les pins-ups pour son propre objectif ou pour la caméra enfoncée à l’arrière plan dans le gris de la photo ?

Cette caméra que personne ne tient est certainement une allégorie sur le lieu vide du pouvoir. C’est le cœur du panoptique visuel emprisonnant et accumulant les femmes dans des images lascives qui sont autant de cellules de surveillance. Mais la tour centrale de cette grande prison circulaire a été désertée. Aucun homme ne tient les rennes de l’image. Alors, à terme, il se peut bien que les hommes eux aussi deviennent les objets ankylosés, ou même absents !, de leurs propres fantasmes…

Heather Bennett :
— Judy, 2005. Jet d’encre sur papier. 160 x 106 cm.
— Sorority Girls, 2005. Jet d’encre sur papier. 106 x 106 cm.
— Ace of Diamonds, 2005. Jet d’encre sur papier. 106 x 106 cm.
— Sonhouse, 2005. Jet d’encre sur papier. 96 x 165 cm.
— Charlotte, 2005. Jet d’encre sur papier. 152 x 106 cm.

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