Véronique Dutilly, Heather & Ivan Morison, Giorgio Sadotti, Paul Tarragó, Emily Wardill
The True Artist
On pourrait résumer cette exposition à une seule oeuvre: une liste de Giorgio Sadotti qui dresse, sur le mode de la caricature (ou de l’auto-portrait), le portrait du «vrai» artiste (a «true artist»).
Le «vrai» artiste de Sadotti est détaché de tout ce qui l’entoure, a un avis sur tout et n’importe quoi. Il est caractériel, poseur, toujours sincère, incontestablement original quoique extrêmement «normal» à bien des égards. Contradiction personnifiée, il oscille constamment entre prendre la tangente («Le vrai artiste regarde souvent par terre») et affirmer des positions définitives («Le vrai artiste dit non»).
Partant de ce fantasme, l’exposition questionne la place que se donne l’artiste dans notre société et celle que la société lui donne en retour, en interaction avec les éléments auxquels il se frotte quotidiennement : ses collègues, ses sources d’inspirations, ses Maîtres, ses lubies…
Succession millimétrée de gestes altruistes et radicaux, imbroglio de références connues, pop ou mystiques, délectation formelle, recherche du geste pur, de l’idée géniale, parfois inaboutie, l’exposition montre «the True Artist» comme un malin qui s’ignore ou qui en joue, comme pour échapper au rôle ou à l’étiquette que le monde entier lui assigne. Prises au énième degré, les attitudes dont parle Sadotti n’ont alors plus rien de personnelles, elles sont elles-mêmes des oeuvres d’art. Des protocoles d’attitudes qui répondent à des us et coutumes dictés par, disons, la mode («Un vrai artiste porte des jeans»), la morale («Le vrai artiste ne souffre pas»), les codes sexuels («Le vrai artiste mène une vie sexuelle sauvage mais protégée»), les diktats sociaux («Une vrai artiste est enceinte»)…
Dès lors les autres travaux présentés dans l’exposition agissent à la fois comme des rappels, mais aussi et surtout comme les symptômes d’une allergie à ces postures toutes faites.
Par conséquent, l’ensemble n’est pas construit autour de personnalités, mais de travaux qui proposent chacun des façons de prendre ses responsabilités, sans trop en rajouter, de se positionner dans la Grande Histoire, de se montrer en creux ou en relief de celle-ci. En définitive, ces oeuvres se demandent s’il peut exister, quelque part, une quelconque vérité, et si quelqu’un peut se permettre de la dire.
Dès lors, cette exposition ne parle pas de la misère du monde, elle n’émet pas d’avis sur l’économie, les identités, le politique, les extra-terrestres, etc. Elle préfère jouer l’humour fin par la mise en abîme vertigineuse des préjugés.
Elle essaie en somme, avec un nombre restreint de pièces, de parler d’art, de sa place, et de quelques inconnus qui le font.