Jill Magid
The Thicker The Glass
« Mes sources me répétaient sans cesse que je connaissais leurs visages et que c’était pourquoi j’étais dangereuse. Les brûler était le seul pouvoir que je pouvais exercer. »
Yvon Lambert présente la première exposition personnelle de Jill Magid, « The Thicker The Glass ». Magid examine la nature du secret gouvernemental et du silence impératif à travers sa collaboration avec les services secrets hollandais.
Contrainte de commander une Å“uvre d’art publique pour un nouvel immeuble, l’Aivd – les Renseignements généraux et services de sécurité des Pays-Bas – a décidé de saisir l’opportunité afin d’améliorer son image. En 2005, Magid a été sélectionnée pour « donner à l’Aivd un visage humain ».
Après avoir été soumise à une enquête approfondie, Magid a obtenu une autorisation sans précédent, celle d’interviewer des agents de l’organisation. Durant trois ans, ces conversations ont eu lieu dans des lieux publics quelconques – bars d’hôtels et cafés, salons et salles d’attente d’aéroports – et ont été méticuleusement rapportées par Magid dans ses carnets de note (I Can Burn Your Face, les séries de néons de l’exposition en sont directement tirées).
En collectant des données personnelles sur les agents, Magid a tenté d’esquisser le « visage » de l’organisation. L’œuvre en résultant, Article 12, a été exposée au printemps dernier à La Haye.
Jill Magid a continué à explorer les conflits émotionnels, philosophiques et légaux entre les institutions « de protection » et l’identité individuelle dans un manuscrit inédit détaillant ses expériences avec l’organisation et ses agents. Magid a méticuleusement noté ses échanges et ses impressions sous forme de journal.
Avant le vernissage à La Haye, Jill Magid a donné à l’agence une copie de son manuscrit de travail. Malheureusement, l’Aivd n’a pas aimé ce qu’elle a lu. Elle a confisqué un certain nombre de pièces après l’ouverture de l’exposition et a rendu à Jill Magid, par l’intermédiaire d’un représentant de l’ambassade des Pays-Bas à Washington D.C., une version lourdement corrigée du texte original.
L’installation multimedia de Magid chez Yvon Lambert souligne les problèmes légaux et éthiques liés à la présentation d’un travail ayant comme point de mire une organisation baignant dans le secret. Dans The 18 Spies, dix-huit textes imprimés (sept ont été confisqués par l’agence) décrivent les dix-huit agents qu’elle a rencontrés. Sur le sol, six espions brûlent à la lumière de néons rouges (trois d’entre eux seront éteints en réaction aux confiscations). « Brûler » un visage est une expression utilisée par l’Aivd pour signifier révéler l’identité d’un agent.
Derrière la vitre de la librairie, on trouve la série des Kosinski Quotes, neuf citations du roman Cockpit de l’écrivain d’origine polonaise Jerzy Kosinski, dont le protagoniste est un ancien membre d’une agence gouvernementale mystérieuse vivant une vie libérée de toute identité – décrivant en un sens la méthodologie personnelle de Jill Magid.