Laure Prouvost
The Smoking Image
L’œuvre de Laure Prouvost (née en 1978, basée à Londres et Anvers), gagnante du prix Max Mara en 2011, et du Turner Prize en 2013, prend la forme d’histoires indépendantes qui se recoupent et se répondent, et où la fiction se mélange à la réalité. Ces situations deviennent des installations immersives, dans lesquelles s’entrechoquent des films, des objets, des collages, des fragments de récits, parfois adressés directement au visiteur.
Pour The Smoking Image, Laure Prouvost a documenté et imaginé l’histoire de ces adolescents de campagne qui, à l’âge des premiers flirts, rêvent de départ et de leur vie à venir, et dont la liberté passe par l’autonomie de déplacement et le scooter. Le visiteur traverse ce paysage de l’adolescence déployé dans le grenier du château jusqu’à une «tapisserie-mobylette» qui sert de dispositif de projection à un film créé pour l’occasion et tourné à Rochechouart. «On ira loin» («We will go far»), promet la tapisserie. Artisanat faussement désuet remis au goût du jour, cette tapisserie-collage rassemble les extrêmes: Rochechouart et Los Angeles, et propose une route à suivre, entre céramiques et smartphones, entre château et gratte-ciel, entre pot d’échappement et grand air. Dans le lointain, une voix chante et rappe une même quête de l’avenir.
Depuis maintenant plusieurs années, Laure Prouvost met en scène un monde fictionnel à la fois humoristique, provocateur et poétique. Elle prend comme point de départ l’histoire de personnages de fiction ou encore le contexte des lieux géographiques qu’elle découvre (Les États-Unis pour How to Make Money Religiously, Naples et ses hordes de deux-roues pour Polpomotorino, Rochechouart pour The Smoking Image). Le résultat est une œuvre en rupture avec la trame narrative classique, alors qu’elle nous emmène progressivement à croire à ses récits oniriques mais minutieusement documentés.
L’histoire de sa grand-mère et de ce grand-père artiste conceptuel ami de Kurt Schwitters, disparu alors qu’il tentait de creuser un tunnel vers le Maroc depuis son salon, a ainsi pris progressivement une forme tangible au fur et à mesure des reconstitutions de leurs espaces de vie (l’atelier du grand-père dans The Artist, 2010; leur salon dans Wantee, 2013; la chambre de la grand-mère dans Grand-ma’s Dream, 2013), avec à son terme le projet d’un Visitor Center (2014) qui invite chacun à contribuer à la réalisation d’un musée en l’honneur du grand-père.
The Smoking Image, est une nouvelle étape pour Laure Prouvost dans sa recherche sur le flou des identités, la communication entre les êtres, le flux des images, le monde rêvé, et sur la liberté de chacun à s’échapper et à s’égarer. Un second volet de cette recherche autour de l’adolescence et de la voiture est mené par Laure Prouvost en parallèle à Los Angeles (Fahrenheit Foundation). Les deux ont pour projet d’être regroupés dans une publication à venir.