Présentée dans la galerie Nathalie Obadia en ce mois de septembre 2008, l’œuvre de l’artiste californien Jedediah Caesar semble faire écho au passé artistique de la vieille Europe. Piégés dans des blocs de résine, des détritus de toutes sorte — collectés pour la plupart dans son atelier — forment des sculptures mémorielles, étrange rappel des Compressions de César ou des Accumulations d’Arman.
Dans l’héritage — conscient ? — des Nouveaux Réalistes, il s’adonne à un archivage de notre environnement matériel, fige en des masses colorées les vestiges d’une société de consommation boulimique. En parallèle ironique, une caisse remplie de résidus et d’objets usagés, comme abandonnée au fond de la galerie, fume, se “consume” sous nos yeux habitués à la mort des choses et à leur remplacement immédiat.
En regardant l’œuvre de Jedediah Caesar, on pourrait parler, comme Pierre Restany l’a fait à propos du Nouveau Réalisme, d’un «recyclage poétique du réel» même si le travail de l’artiste américain tient plus du déplacement que de la seule appropriation.
Moulés dans de la résine de différentes couleurs, les déchets affleurent à la surface de l’œuvre, s’organisent en figures géométriques, dessinent des motifs, créent une véritable dynamique structurelle. Leur identité première — paille, morceaux de bois, balles de tennis sectionnées, bouchons — se dissipe dans ce nouvel objet formel, se fond en un tout abstrait né d’une association hasardeuse de formes et de couleurs. Le processus de mutation est tel que certaines pièces s’apparentent à une sorte d’abstraction géométrique.
Illusionnistes donc, presque mensongères, les oeuvres de Jedediah Caesar prennent l’aspect veiné du bois ou du marbre polychrome, dérobent à la roche sa texture polie ou rugueuse, ses ondulations et ses failles naturelles. Le matériau synthétique devient organique, comme si une vie irradiait de cet amas de restes inanimés, de ce corps plastique qui dissimule en partie ses viscères.
Tout le travail de l’artiste tourne autour de cette ambivalence du visible dans l’acte perceptif. Il relativise les oppositions dedans/dehors, contenu/contenant. Initialement, ses sculptures forment des blocs de résine, parallélépipèdes qu’il tranche en plaques de même dimension et assemble sur les parois de la galerie.
Avec cette présentation, le volume devient plan — conformément au langage cubiste — et l’intérieur des œuvres nous est rendu visuellement accessible. Mais surtout, ainsi organisée en une sorte de tableau chronologique, la sculpture prend une dimension temporelle. Les coupes se suivent, montrant l’évolution des déchets au cœur de la résine comme les cernes d’un arbre en retracent la croissance. A leurs pieds, contre l’un des murs de l’espace d’exposition, une planche rongée par des vers invisibles menace de sa pourriture (présupposée) son pendant encore intact…
… Etranges objets, qui ont l’éclat des bijoux et des pierres précieuses et le spleen des sépultures.
Jedediah Caesar
— The Ruinsed (Timetraveller), 2008. Sculpture. Technique mixte. 86 x 4 cm de hauteur / 51,5 x 4 cm de largeur.
— The Ruinsed (Timetraveller), 2008. Sculpture. Technique mixte. 86 x 4 cm de hauteur / 51,5 x 4 cm de largeur.
— The Ruinsed (Intro/Outro), 2008. Sculpture. Technique mixte. 87 x 110 cm
— The Ruinsed (Foundation), 2008. Installation. Technique mixte. 110 x 130 cm.