Sturtevant
The Razzle Dazzle of Thinking
L’Arc consacre une exposition d’envergure à l’artiste américaine Sturtevant qui vit et travaille à Paris. Pionnière dans les débats relatifs à la reprise, elle pose la question de l’originalité, de l’aura et du pouvoir de l’art.
«The Razzle Dazzle of Thinking» (La pensée tape-à -l’oeil) présente une sélection de pièces majeures dont l’inédite House of Horrors (2010), un train fantôme grandeur nature spécialement conçu pour cette première monographie à Paris, ainsi que Elastic Tango (2010), une pièce de théâtre vidéo en trois actes sur neuf moniteurs.
Précédant de quinze ans le mouvement des «appropriationnistes» des années 1980, Sturtevant a d’emblée répliqué le travail d’autres artistes tels qu’Andy Warhol, Jasper Johns, Marcel Duchamp, Joseph Beuys, Frank Stella ou Felix Gonzalez-Torres, avant que leur travail ne soit reconnu sur la scène internationale.
Cela témoigne d’une intuition visionnaire, de sa capacité à identifier de futures icônes. «La résolution d’utiliser d’autres oeuvres d’art comme autant de catalyseurs potentiels pour mettre au jour le sous-jacent a été à la fois surprenante et terrifiante. Surprenante dans sa validité et sa véracité, terrifiante dans ses conséquences possibles. L’intention était de développer des questions actuelles en esthétique, de sonder les concepts et les limites de l’originalité, de dévoiler l’infrastructure de la peinture et de la sculpture, et d’ouvrir de vastes espaces à la nouvelle pensée.» (Sturtevant)
Si son but est de stimuler le discours critique, elle ouvre largement l’espace à de nouvelles formes de pensée conceptuelle. Maîtrisant parfaitement la sculpture, la peinture, la photographie et la vidéo, l’artiste produit une gamme complète d’oeuvres définies comme «originales».
«The Razzle Dazzle of Thinking» est divisée en deux sections : Wild to Wild et House of Horrors. La première présente notamment le dispositif Duchamp 1200 Coal Bags (1972), le rideau d’ampoules Gonzalez-Torres Untitled (America) ( 2004), les Beuys Fat Chairs (1993), ainsi que les toiles de Sturtevant Haring Untitled (1987) et Stella Union Pacific (1989). Outre ces pièces «historiques», cette partie de l’exposition réserve une place importante à la pratique vidéo de Sturtevant. La réflexion de l’artiste ne pouvait en effet faire l’impasse sur la révolution cybernétique et digitale pour en révéler les failles et les illusions.
L’exposition présente ainsi Duchamp Nu descendant un escalier (1967), mais aussi Dillinger Running Series 1 (2000) d’après le célèbre criminel américain, Vertical Monad (2007), ou encore Finite Infinite (2010), l’image d’un chien courant et à bout de souffle, projetée en boucle sur plusieurs mètres. Elastic Tango (2010), la dernière vidéo produite pour l’occasion, révèle la perte du contenu au profit du simulacre tout puissant.
Dans la deuxième section, le public est invité à monter dans le train fantôme House of Horrors. Sturtevant propose un travelling sur quelques portraits emblématiques parmi lesquels Frankenstein ou encore des figures inspirées notamment par Divine, l’icône du film Pink Flamingos de John Waters. Simulant l’idée d’une «installation-entertainment», la mise en scène conjugue l’anecdotique et la démythification pour déjouer les réflexes de la mémoire collective. Comme l’indique le titre The Razzle Dazzle of Thinking, l’exposition est un dispositif conceptuel qui tend à rendre la pensée visible, à en faire un objet. L’installation House of Horrors, relevant du pur divertissement, fonctionne en total contraste avec Wild to Wild.
Publication
Une publication bilingue conçue par l’artiste et coéditée avec JRP Ringier est associée à «The Razzle Dazzle of Thinking». Il s’agit d’une compilation d’écrits issus de ses conférences et d’une sélection de courts textes largement illustrés, ainsi qu’une anthologie de revues critiques sur son oeuvre. Elle fait pendant à son catalogue raisonné déjà publié par les éditions Hatje Cantz en 2004 et constitue le premier ouvrage en français sur l’artiste.
critique
The Razzle Dazzle of Thinking