La dernière fois qu’il était en France, Takeshi Murakami célébrait son association avec le bagagiste Louis Vuitton en customisant la gamme des accessoires: les sacs blancs avec les monogrammes multicolores, c’était lui. On pouvait se demander qui se servait de l’autre: reproduire sur toile les motifs des sacs à main avait de quoi donner le tournis. L’acheteur se transformait en collectionneur et l’amateur d’art devenait consommateur.
En 2003 le duo présentait un véritable petit bijou d’animation, une vidéo de trois minutes Superflat Monogram. Elle rivalisait avec les plus belles séquences des succès de Myasaki, l’auteur de Princesse Mononoké, qui est au Japon la référence du genre depuis vingt ans. Le partenariat avec le géant du luxe LVMH aura permis à l’artiste de réaliser son rêve de toujours en créant ce dessin animé.
Aujourd’hui Murakami revient une semaine avant la Fiac avec plein de peintures nouvelles. L’occasion étant trop belle. L’hôtel particulier du Marais s’est donc plié en quatre pour lui offrir tout son espace. Chacune des salle accueille une série différente avec les Dob: And Then ; les Fleurs: Cosmic Flowers ; les Yeux: Jellyfish Eyes et les peintures acuponctures.
Pour les Dob, ce personnage de Mickey revisité à la sauce manga, qui l’a rendu célèbre dans le milieu artistique et élevé au rang de star par les aficionados de la culture pop, il s’est attaché à travailler principalement les matières, les couleurs, les rendus.
Chaque toile est un exercice de style particulier. A la manière des Marilyn de Warhol, il travaille toujours sur la même figure en changeant juste la couleur et le traitement. Cette répétition pourrait paraître uniquement formelle et gratuite, mais elle caractérise pour l’artiste l’évolution de son personnage. La répétition est pour lui une déclinaison. Sa palette actuellement s’aventure vers des contrées moins léchées, moins nettes, plus flous qu’auparavant. Elle flirte avec la Bad Painting, mais le naturel méticuleux reste très présent. L’utilisation des coulures d’une peinture gestuelle reste toujours sous contrôle. La maîtrise est préférée à la spontanéité, la séduction à l’expérimentation. Ce choix il l’assume complètement, car pour lui un artiste doit concilier les nécessités intérieures du créateur avec les attentes du public. Ce type de raisonement ne le rend-il pas prisonnier de son personnage? N’est-il pas contraint de toujours se répéter?
La réponse à cette question se trouve dans les peintures acuponctures. Pour trouver un changement radical il faut pousser jusqu’à la dernière salle qui tient toutes ses promesses.
Cette nouvelle série est la révélation de l’exposition, elle lui en donne d’ailleurs le titre: The Pressure Point of Painting. Cet événement a de quoi bousculer les habitudes. Les grandes toiles représentent des damiers, aux cases bariolées dans un même camaïeu. Ce type de nuancier n’est pas sans rappeler les travaux d’un Richter ou d’un Hirst. Les premières tentatives donnaient un résultat purement géométrique. Entretenant des relations étroites avec l’histoire de l’art récente, ces travaux ne sont pas en rupture avec les “mangas”, ils constituent une étape que l’on suivra avec attention.
Ce qui est plus déroutant, c’est l’introduction sur les toiles de l’empreinte de l’artiste. A la manière d’un Yves Klein, Murakami se badigeonne de peinture et imprime sa silhouette sur les tableaux. Il estompe ensuite ce corps en passant plusieurs couches de peintures dessus.
Le décalage entre le carrelage et ces formes voilées fonctionne formellement, mais les motivations d’un tel geste restent mystérieuses. En tout cas, c’est en prenant des orientations et des risques comme cela que l’on apprécie un artiste d’autant plus ! Espérons que cette aventure le conduira vers d’autres chemins moins balisés.
Traducciòn española : Santiago Borja
Takashi Murakami
— And Then (Rainbow), 2006. Acrylique sur toile. 100 x 100 cm.
— Jellyfish Eyes, 2006. Acrylique sur toile. 120 x 120 cm (5 panneaux).
— Flower (Superflat), 2003. Litographie couleur sur papier miroir. 68,4 x 68,4 cm.
— Opening Wide, Squeezing Tight – Smell of Blood, 2006. Acrylique sur toile montée sur planche. 120 x 120 x 5 cm.