ART | EXPO

The Player | Projet Tsuki

25 Août - 19 Sep 2015
Vernissage le 25 Août 2015

Johan Decaix sonde la frontière entre réel et imaginaire, l’enfance et l’âge adulte. Avec Projet Tsuki, il poursuit son travail d’intronisation du spectaculaire dans notre quotidien en s’emparant d’un rêve commun: le voyage vers la Lune. Les vidéos présentées ici relatent les moyens déployés par l’artiste pour préparer ce voyage impossible.

Johan Decaix
The Player Projet Tsuki

Johan Decaix est un jeune artiste issu de l’EESI, école des beaux arts d’Angoulême. L’an passé, il a été le lauréat au salon Jeune Création d’une résidence au Japon. Les vidéos présentées dans «The Player» sont issues d’un ensemble d’œuvres produites à Takasaki autour d’un projet de conquête spatiale.

Johan Decaix décrit sa démarche comme un travail «sur la suspension volontaire de l’incrédulité». S’il nous arrive de rencontrer des énoncés qui sont incroyables (un jeune artiste transformant une résidence artistique en voyage sur la Lune est un bon exemple), il réside malgré tout une certaine dose de curiosité qui nous pousse à en savoir plus. C’est dans cet interstice que se situe la pratique de Johan Decaix: jouer avec la réalité afin de révéler notre appétence pour l’imaginaire, notre prédisposition oubliée pour la crédulité. Pour se faire, il déploie des techniques et artifices qui découlent autant du cinéma, que des parcs d’attraction, du cirque, des kermesses ou encore des shows politiques américains. Il s’empare des outils employés par ces machines à rêves, à consommation, à embrigadement… dont nous sommes de si bons clients. Ainsi, la réalité des projets annoncés se situe autant dans la débauche des moyens déployés pour les préparatifs et le décorum que dans leur exécution.

L’installation-performance L’Envolée (Angoulême, 2011) en est une parfaite démonstration. Après avoir construit une rampe de 12 mètres de long et de 6 mètres de haut au bord du fleuve, Johan Decaix avait annoncé à la population de la ville (affichage et presse locale) l’exploit d’un homme-volant. Si la finalité laissait peu de doutes, la confusion était pourtant bien là. Les curieux s’étaient déplacés nombreux à la date annoncée. Certains sachant qu’il s’agissait d’une performance artistique, d’autres y voyant un vibrant hommage à une historique tentative locale d’un homme ailé et encore d’autres, aux attentes personnelles aussi diverses qu’inconnues.
Afin d’aider à patienter longuement, chacun était accueilli dans une ambiance festive: fanfare, stand de nourriture et vente de produits dérivés. Suite à un discours, Johan Decaux prend place dans son engin (un banal chariot de course), le silence se fait. Bien sûr, il n’a jamais décollé et pourtant, l’annonce et le décorum suffisait à créer l’événement et susciter une croyance. L’expérience désignait avant tout notre recherche de distraction et notre curiosité vis à vis des expériences hors normes ou périlleuses.

Avec Projet Tsuki (tsuki: «lune» en japonais), développé en résidence au Japon, il poursuit ce travail d’intronisation du spectaculaire et de rêverie dans notre quotidien en s’appuyant sur l’imaginaire collectif. Pour ce projet international, il fallait développer un rêve commun: le voyage vers la Lune. Il ne reste aujourd’hui plus que des vidéos pour témoigner de l’expérience, tout le reste (rampe de lancement, fusée, «pépite d’or géante», enseigne lumineuse) a été détruit.

Trois d’entre elles sont présentées dans «The Player». L’une relate le transport à vélo de la fusée faite de bois jusqu’au site de lancement, une seconde montre l’artiste habillé d’une combinaison bricolé approximativement qui relève le défi, au ralenti, d’acheter une boisson dans un distributeur comme s’il subissait l’apesanteur de la
Lune. Ces seuls énoncés suffisent à déceler le caractère volontairement absurde de ce travail. On peut d’ailleurs y noter l’amusement non feint des spectateurs ou au contraire, leur lassitude lorsqu’ils réalisent que leur attente de spectaculaire ne sera pas satisfaite. Enfin, la dernière vidéo dévoile un résumé des 24 heures du trajet solitaire et inconfortable de Johan Decaix enfermé dans une capsule à destination de la Lune. C’est précisément dans cet aperçu partiel d’une expérience intimiste que se cristallise la démonstration: l’imaginaire n’est pas «délégable», il appartient à chacun de s’en saisir.

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