Jesper Just
The Player – Lonely Villa
Jesper Just utilise le langage cinématographique et les codes du genre hollywoodien tels que le film noir, le mélodrame ou encore la comédie musicale qu’il transpose dans le domaine des arts plastiques. Né au Danemark, l’artiste s’inscrit dans la longue tradition du cinéma scandinave et l’esthétique qu’il développe est influencée par des réalisateurs comme Ingmar Bergman ou Carl Theodor Dreyer. Ses films témoignent de son intérêt pour la thématique du genre, de l’identité et des relations individuelles qui sont mises en scène dans des narrations sans parole concentrées sur les gestes, les regards et les émotions. L’artiste cherche à créer des histoires ambiguës au dénouement incertain. La lumière, le cadrage et le soin apporté aux décors donnent aux images une tonalité singulière qui participe à la création d’une ambiance étrange et séduisante.
En 2004, Jesper Just réalise une série de vidéos où il propose des représentations alternatives aux stéréotypes masculins véhiculés par le cinéma, en mettant en scène des personnages liminaires et hors norme. La musique y est un élément décisif puisqu’elle tient lieu d’échange entre les protagonistes et donne au spectateur des indices pour comprendre ce qui se joue devant lui.
Par exemple, pour Bliss and Heaven, un jeune homme suit discrètement un camionneur à l’intérieur de sa remorque et y découvre un majestueux théâtre vide. Sur scène, le camionneur vêtu d’une perruque blonde et d’un foulard de soie chante Please Don’t Keep Me Waiting un succès d’Olivia Newton-John.
Dans No man is an Island II, des hommes confortablement installés dans le salon d’un club de strip-tease laissent exprimer sans retenu leurs émotions en chantant et pleurant sur une ballade romantique. L’écart entre l’attendu du comportement masculin dans ce type de lieu et la scène à laquelle assiste le spectateur bouscule les clichés sur le genre masculin.
De même pour Lonely Villa où l’action se situe dans la bibliothèque d’un gentleman’s club dont les membres silencieux et immobiles attendent, chacun assis devant une table sur laquelle se trouve un téléphone. L’éclairage clair-obscur donne l’impression d’un temps figé et d’une situation immuable, mais après quelques longues secondes, le téléphone d’un vieil homme sonne enfin. A l’autre bout du fil, un jeune homme lui fredonne I Don’t Want to Set the World on Fire, une chanson des Ink Spot, un quatuor américain des années 1930: «J’ai cessé de rêver des clameurs du monde. Je voudrais juste que tu m’aimes. Que tu m’avoues que notre trouble est le même. Crois-moi, c’est mon vœu suprême». L’atmosphère se charge alors d’une intensité dramatique entre érotisme et amour filial, Jesper Just jouant sur l’équivocité de la relation entre les deux hommes.
Vernissage
Mardi 18 novembre 2014