Une étroite boîte noire verticale de guingois posée sur un socle et destinée à recevoir une personne à la fois : c’est peu dire que le dispositif imaginé par Grégory Hervelin tranche sur les équipements high tech présentés au centre-ville d’Issy-les-Moulineaux, dans le cadre du Cube Festival. Il évoque la boîte d’un prestidigitateur censé faire disparaître la personne qui y pénètre, une fois franchie et refermée la branlante porte battante. Illusion et bricolage détrônent en apparence la technicité habituellement de rigueur, comme un pied de nez humoristique à la course à l’innovation permanente.Â
La personne entrée, un bruit tonitruant remplace la baguette du magicien; la cabine vibre, cahote. L’unique spectateur part pour un voyage immobile mais trépidant d’une minute : un écran fait défiler à toute allure les environs immédiats, comme si on pilotait réellement la cabine, l’écran servant de fausse vitre sur l’extérieur. Un manche sur lequel on appuie pour faire démarrer le dispositif rajoute à l’illusion. On manque d’être écrasé entre deux bus, on s’élève au-dessus du trottoir dans un vol au ralenti, on slalome entre les passants…
Si téléportation et vol sont courants sur Second life par avatar interposé ou dans des jeux vidéo, l’installation vidéo de Grégory Hervelin fait vivre ces expériences avec son propre corps, en grandeur nature pourrait-on dire. Les perceptions en sont transformées, d’autant que le film a été tourné dans le quartier où est implantée l’installation. L’artiste joue sur l’effet de réel et l’irréalité de la proposition.
Toute boîte noire recèle le mystère et notamment le boîtier de l’appareil photographique, captant des instants à jamais disparus. C’est un peu de cette poésie enfuie que l’artiste introduit dans le festival, en décalage avec les attendus. Il évoque d’ailleurs à l’appui les expériences des chamanes du Mexique transmis par l’anthropologue Carlos Castaneda. Le titre de l’œuvre est peut-être un hommage implicite à cet expérimentateur de rites initiatiques.
Mais ici l’expérience est sans risque, on se joue des obstacles. La cabine noire incongrue sur la place de la mairie est une parenthèse enchantée; son habitacle protège. On voit sans être vu. S’il y initiation, elle se fait dans la légèreté, par une perception féérique de la ville, associant vision, sons et mouvements réels. Une alchimie opère pour rendre visible ce qui reste habituellement caché ou pour rendre possible ce que l’on se contente d’imaginer.
L’installation est clairement ludique, tant l’esthétique de la cabine et ses trépidations renvoient à un équipement de fête foraine et un voyage «pour de rire». Point de train fantôme, mais un déplacement simulé, pour un apprentissage onirique et joyeux de la ville.
Si on ne sort pas transformé de la boîte noire, on en sort réjoui, avec une vision de la ville comme terrain de jeu. Grégory Hervelin décline ainsi avec poésie et facétie le thème général du festival, «les arts numériques réinventent la ville».
Evénement
Le Cube Festival : Les arts numériques réinventent la ville
Issy-les-Moulineaux, Centre ville (Hauts de Seine)
M° Mairie d’Issy (ligne 12)
www.cubefestival.com
Grégory Hervelin
The Dead man box, 2007. Boite noire, installation numérique, vidéo, son.
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