L’exposition que l’Allemand présente chez Almine Rech se déploie sur les deux niveaux du nouvel espace de la rue Saintonge. A l’étage, les formats moyens ou réduits; au rez-de-chaussée, les grandes structures, un gigantesque tableau et son pendant plus petit, une sculpture relativement imposante et deux formats moyens pour commencer la déambulation.
Ces deux derniers fonctionnent de la même manière: des bandes verticales aux couleurs pop, des sombres qui s’opposent aux fluos, des roses, des rouges, des métalliques. Les deux autres tableaux mettent en scène des bandes peintes horizontales pour l’un et verticales pour l’autre, de taille et d’intensité différentes. Alors que les premiers impriment la surface, renforcent la planéité naturelle du tableau, les suivants sont plus hypnotiques, plus aériens, se situant entre l’illusion d’un coucher de soleil glacé et la brillance d’un tissu de satin.
Les deux séries parlent de peinture, plus précisément de la réactivation d’une peinture moderniste, spectaculaire, autoritaire, sans autre forme de discours que sa propre réalité. Anselm Reyle témoigne de cette histoire avec l’ironie mais aussi l’originalité qu’impose un travail de citation comme le sien: ses tableaux ressemblent délibérément à d’autres plus anciens, ses intentions s’approchent de postures antérieures sans s’y calquer véritablement.
La sculpture n’est pas en reste, pas plus que la salle de l’étage dont les murs ont été repeints en rose. L’une se joue de la caricature de l’objet moderniste, par la brillance, la sensualité, la multiplicité des « effets » à une encablure du design (on pense à Bertrand Lavier reprenant les sculptures du musée que visitent Mickey et Minnie dans l’une de leurs histoires, on pense aussi aux dernières sculptures en aluminium de Jeff Koons lorsqu’il reprend les sujets et la texture des ballons de baudruche), l’autre renforce cette omnipotence de la peinture déjà observée, lorsque la peinture a pour sujet la peinture: elle est ici enveloppante et même plus, oppressante, aliénante, remplissant la pièce de son intensité gourmande mais faisant immanquablement le vide autour d’elle.
Reyle jongle avec les styles, dope les couleurs, frôle le kitsch, défie le design seventies pour finalement coudre les fils d’une pratique très personnelle, alchimie judicieuse entre la disparition de la main de l’artiste et une réflexion originale sur le geste, la subjectivité du trait, le concept même d’abstraction.
Mais il ne s’agit pas chez lui d’instruire le procès de l’art moderne, ni de dresser une anthologie critique des productions modernistes. Celles-ci fonctionnent comme des boussoles pour approfondir la relation de l’artiste à son oeuvre, et tout le travail d’Anselm Reyle consiste simplement à mettre à jour ces petits arrangements tactiques ou techniques, ces procédés subjectifs, cette mécanique interprétative qui président à la désignation d’un objet comme oeuvre d’art.
Anselm Reyle
— Untitled, 2006. Acrylique sur toile. 285 x 625 cm.
— New Pink, 2007. Néon, peinture acrylique. Dimensions variables.
— Harmony, 2006. Bronze, chrome, vernis émaillé, plinthe en makassa. 170 x 170 75 cm et 54 x 160 x 78 cm.
— Untitled, 2006. Techniques mixtes sur toile, cadre en métal. 255 x 204 cm.