ART | CRITIQUE

The Black Box Museum Project / Memoria

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@25 Nov 2010

Au Crac de Sète, la commissaire Noëlle Tissier a rassemblé deux jeunes artistes qui dessinent à la très traditionnelle mine de plomb avec laquelle ils réactivent le passé et la mémoire pour mieux convoquer artistiquement les images technologiques du cinéma et de la vidéo, et interroger le présent.

Au Crac de Sète, l’exposition «Dialogue» présente les dessins et vidéos de deux jeunes artistes. Jean Bedez travaille essentiellement à la mine de plomb et s’attache à reproduire, avec des effets de décalage, des Å“uvres majeures de l’histoire de l’art. Du film L’Ange bleu à La Cène de Léonard de Vinci, il se pose la question de l’identité des images et de leur recontextualisation.
En utilisant la mine de plomb mais aussi la pierre noire, Mathieu Dufois propose lui aussi une série de dessins, plus granuleux, proche de l’esthétique des films noirs, matière essentielle de ses vidéos, par volonté de retour aux premiers gestes de la fabrique cinématographique.
Leurs Å“uvres réactivent le passé et la mémoire du spectateur, que l’instantanéité prive souvent d’une pensée sur l’image et sa construction.

Dans les dessins sur papier de Jean Bedez, la mine de plomb révèle les détails et souligne la finesse du geste. Elle annule aussi la couleur, que ce soit dans Le Cénacle (2010), reproduction de La Cène de Léonard de Vinci, ou dans la série «Collection/Leaders» (2007), réalisée à partir de photographies de chefs d’état lors du G8 d’Evian.
L’Å“il n’est plus happé ou fasciné par la couleur, il est davantage question de suivre les mouvements du trait et de contempler les détails de l’exécution, dans une relecture de la peinture d’histoire.
Au fil de la série «Collection/Leaders», de l’image des dirigeants alignés à un unique homme politique assis dans son fauteuil, la mine de plomb efface les personnages, révélant le caractère trouble de toute image: immuable et éphémère à la fois. Cette technique de l’écriture grise suspend le temps et conduit aux limites de la représentation.

En utilisant la pierre noire sur papier, Mathieu Dufois cherche davantage à densifier le dessin, en se rapprochant du grain photographique et des effets de contraste du noir et blanc. Présentés notamment par séquences narratives, ses séries de 26 à 50 dessins produisent une découpe du mouvement, se rapprochant d’une chronographie à la Muybridge, et usent des effets de zoom.
Dans la série «Téléphone» (2007), le spectateur contemple le visage d’une femme au téléphone et ses variations d’émotions. Dans la série «Faisceaux lumineux», l’accent est mis sur les jambes d’un autre personnage féminin, assis dans son appartement.
Aucun cartel n’accompagne ces dessins mais ces effets de loupe concourent à constituer le spectateur en voyeur, en lieu et place d’un certain James Stewart de Fenêtre sur cour d’Alfred Hitchock.

Les Å“uvres Jean Bedez et Mathieu Dufois interrogent la crise identitaire qui traverse le champ de l’art et de la société. Dans la vidéo-animation La Chambre (2007), Mathieu Dufois reprend un épisode du film L’Homme au bras d’or d’Otto Preminger, où Frank Sinatra s’enferme dans une chambre pour tenter de résister aux démons de la drogue. L’artiste réalise au préalable une maquette avec des moyens simples, papier et crayon, sur laquelle il projette les dessins de la silhouette masculine. Cette technique conduit à produire un corps spectral qui se dissout dans le décor. L’individu disparaît, l’image se meurt dans sa propre illusion.

Les Å“uvres de Jean Bedez multiplient les techniques pour dévisager les personnages: visages floutés dans la reprise intégrale du film L’Ange bleu, visages des apôtres et du Christ masqués par une auréole blanche dans Le Cénacle, visages des chefs d’État criblés du logo d’une marque repère dans la série «Collection Leaders».
Devant ces personnages devenus sans regard de L’Ange bleu de Joseph von Sternberg, on est conduit à communiquer avec d’autres signes: les gestes, les voix, les sous-titrages, les corps, etc. La communication se fait plus lente mais plus prompte à déjouer la fascination pour les apparences.
Cette annulation du regard agit comme une mise en garde vis-à-vis des images-modèles que nous pourrions idolâtrer…

Pour ces deux artistes, la création devient un laboratoire en devenir, qui s’appuie sur le passé, sans jamais s’achever, dans ce mouvement perpétuel de l’histoire.
Jean Bedez a mis une année pour réaliser Le Cénacle et envisage une durée de cinq à six années pour construire un retable. Il en présente quelques dessins d’étude, comme ce corps sans tête gisant au sol ou cette championne de tennis italienne, à la tête en cornes de bouquetin. Quant à la série «Mémento Mori» de Mathieu Dufois, constituée de douze dessins inédits de 2010, elle sera la matrice d’un film à venir, sur l’histoire du cinéma, de nos jours aux origines. «Le temps n’est pas de l’immobilité idéale».

Salle 1: Jean Bedez
Apocalipsis Cum Figuris (installation), 16 Illustrations sur drap de bain blanc, 2010:
Saint Jean devant la vierge
Le Martyr de Saint Jean l’Evangeliste
La Vision sept chandeliers
Saint Jean appelé aux cieux
Les Quatre Cavaliers
La Chute des étoiles
Les Quatre Anges rétenteurs des vents et l’onction des élus
Les Sept Sonneries de trompettes des anges
Les Quatre Anges de l’Euphrate
Saint Jean dévorant le livre
La Femme vêtue de soleil et le dragon à sept têtes
Le Combat de Saint Michel contre le dragon
Le Dragon à sept têtes et la bête aux cornes d’Agneau
L’Adoration de l’agneau – le cantique des élus
La Grande Prostituée de Babylone
L’Ange à la clef de l’abîme

Salle 2: Mathieu Dufois
Téléphone, 2009. Pierre noire sur papier, série de 26 dessins
La Dispute, 2009. Pierre noire sur papier, série de 50 dessins
Memento Mori – dessins, 2010. Pierre noire et mine de plomb sur papier, série de 12 dessins
Judas, 2009. Pierre noire sur papier
Corps saoul, 2009. Pierre noire sur papier
Focus 1, 2009. Pierre noire sur papier
Faisceaux lumineux, 2009. Pierre noire sur papier, série de 6 dessins
Focus 2, 2009. Pierre noire sur papier
Focus 3, 2009. Pierre noire sur papier

Salle 3: Mathieu Dufois< — GraphitoScope, 2009. Court métrage de 23 min

Salle 4: Mathieu Dufois
La Chambre, 2007. Vidéo animation, 47″ sans son. Série de dessins à la mine de plomb

Salle 5: La Bande Passante
Programmation vidéo en alternance
— Jean Bedez, Blue Angel, 2006. Projection vidéo, 106 mn
— Agnès Fornells, Viva la Saeta, 2007. Projection vidéo en boucle, noir et blanc, muet, dimensions variables, 12mn

Salle 6: Jean Bedez
Le Cénacle, 2010. Dessin à la mine de plomb
Sans Titre, 2010. Dessin à la mine de plomb
Sans Titre, 2010. Dessin à la mine de plomb
Sans Titre, 2010. Dessin à la mine de plomb

Salle 7: Jean Bedez
Collection: Leaders, dessin 04, 2007
Collection: Leaders, dessin 05, 2007
Collection: Leaders, dessin 01, 2007
Collection: Leaders, dessin 02, 2007
Collection: Leaders, dessin 03, 2007

The Black Box Museum Project/Memoria
Katarina Zdjelar,
Acte 1, 2010. Vidéo en boucle. 24’26 »
Acte 2, 2010. Vidéo en boucle. 5’38 »

— Igor Å tromajer, OA, 2010. Dispositif robotisé mis en réseau sur internet. Film et photos consultables en direct sur le site d’intima.org et retransmis en simultané à l’Espace Kawenga, territoires numériques: 21 Boulevard Louis Blanc – 34000 Montpellier

— Bojan Fajfric, Theta Rythm, 2009-2010. Vidéo en boucle. 17′
— Zoran Todorovic, Les Chiens et les gitans, 2007. Double projection. 7’06 » et 4’04 »

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