Duncan Campbell, Mike Cooter, Ruth Ewan, Michael Fullerton, Peter Kennard, Nathaniel Mellors, Cat Phillipps, Matt Stokes, Suzanne Treister, Mark Wallinger
The Big Society
L’exposition «The Big Society» réunit dix artistes britanniques de différentes générations, dont les oeuvres se penchent sur les relations entre individus, communautés et gouvernement en convoquant des événements réels ou fictifs qui ont contribué à la définir.
Les rapports de force entre ces trois entités forment le squelette de l’exposition, qui revient notamment sur des conflits sociaux et des mouvements contestataires dans lesquels se sont exprimées les tensions résultant de l’affrontement d’idéologies et de modèles de société antagonistes qui ont marqué l’Angleterre depuis le début du 20e siècle.
Ruth Ewan rappelle la bataille de Cable Street en 1936, Duncan Campbell revient sur les affrontements en Irlande du Nord au tournant des années 1970, Peter Kennard dissèque les grèves d’agriculteurs et de mineurs sous les gouvernements d’Edward Heath et de Margaret Thatcher dans les années 1970 et 1980, et, plus près de nous, Cat Phillipps expose ses «boucliers penny» ayant servi lors de la récente Marche pour une alternative en réaction au budget d’austérité voté par le Parlement. En correspondant avec la police métropolitaine, Mike Cooter s’insinue quant à lui au coeur de l’appareil d’État qui, à en croire les théories de complot esquissées par Suzanne Treister, est obsédé par le contrôle de ses citoyens.
Les événements auxquels se réfèrent les artistes dans «The Big Society» ont souvent été marqués par des personnalités charismatiques, dont plusieurs sont évoquées au fil de l’exposition: Alan Turing, génie mathématicien persécuté par l’État en raison de son homosexualité (Michael Fullerton), Bernadette Devlin, députée de l’Irlande du Nord qui mena la minorité catholique dans son combat contre l’occupation anglaise (Duncan Campbell), Sylvia Pankhurst, suffragette révolutionnaire dont l’engagement politique lui valut plusieurs séjours en prison (Ruth Ewan), ou encore Stella Rimington, ancienne patronne du service de renseignements britannique et auteure de romans d’espionnage plus vrais que nature (Suzanne Treister).
Ce tour d’horizon de la société britannique ne serait pas complet sans l’évocation de manifestations culturelles qui ont contribué à forger son identité. Mark Wallinger construit ainsi une analogie entre supporters de foot et fanatiques religieux, Matt Stokes ressuscite le phénomène musical de la Northern Soul et Nathaniel Mellors revisite une série télévisée mythique pour projeter la vision inquiétante d’une société égalitaire.
Si aujourd’hui, les artistes britanniques interrogent plus que jamais l’histoire de leur pays à travers le prisme de ses luttes et mouvements sociaux ou culturels, on peut penser qu’ils répondent ce faisant aux interrogations d’un collectif qui, après les années fastes de l’ère Blair, est en proie au doute. Le «Powerhouse UK» des années de boom est clairement en panne de courant. Signe tangible du malaise ambiant, le débat sur la nationalité et l’immigration récemment lancé par David Cameron, des sujets jusque-là tabous et dont la résurgence dans le discours public peut être attribuée au réflexe identitaire d’une nation qui se cherche.
Vue sous cet angle, la «Big Society» des conservateurs s’apparente à un aveu d’impuissance, dont la modestie affichée forme un contraste on ne saurait plus saisissant avec le «Cool Britannia» de leurs prédécesseurs.