Jean-Christophe Averty, Pierre-Olivier Arnaud, Nicholas Byrne & Anthea Hamilton, Brice Dellsperger, Arnaud Dezoteux, Bertrand Dezoteux, Fanette Mellier, Shana Moulton & Nick Hallett, Olivier Vadrot
The Averty Show
Ceux qui ont l’âge d’avoir vu du Jean-Christophe Averty à la télévision s’en souviennent. Dès le début des années 1960, Averty réalise des milliers d’émissions à la télévision française: il produit des programmes à l’humour féroce qui scandalisent une grande partie du public et réjouissent infiniment les autres. Il œuvre à populariser le jazz dans une France qui n’en veut pas, il vulgarise avec brio les avant-gardes, la pataphysique, et la littérature moderne. Jean-Christophe Averty est tout sauf consensuel.
Il ne s’est du reste jamais soucié des hiérarchies ayant cours dans le monde de la culture: sa culture à lui, c’est celle des illustrés à grand tirage de la fin du XIXe siècle, du music-hall, du jazz, de la science-fiction, des comédies musicales et des affiches populaires autant que celle des avant-gardes.
Jean-Christophe Averty s’est fait plus rare à la télévision alors que commençait «le grand cauchemar des années 1980» (F. Cusset). L’arrivée des chaînes privées, la pression économique grandissante et le culte de plus en plus irrationnel de l’audimat ont eu raison de l’idée de la télévision qu’il s’était toujours faite — une télévision exigeante, qui met l’imagination, le rêve et l’humour noir dans tous les foyers.
Jean-Christophe Averty est un homme de télévision, mais il a toujours été très soucieux de l’univers graphique qu’il inventait. Il décrit ses émissions comme des «mises en page» et a même reçu un prix de graphisme en 1969. C’est l’esthétique du collage vidéo et de l’incrustation qui reste la marque de fabrique visuelle de ses émissions (notamment après le passage à la couleur en 1967). Jean-Christophe Averty a en effet formé pendant près de 20 ans un binôme créatif avec Max Debrenne, ingénieur spécialisé dans les effets spéciaux, qui a su donner corps, ou plutôt donner image aux story boards avertyens, en multipliant les incrustations, volets, et autres médaillons dans la réalisation.
Avec son acolyte, il a ainsi exploité toutes les possibilités de production vidéo, et a inventé une image hautement reconnaissable: colorée, découpée et totalement synthétique. Filmant les acteurs ou les musiciens sur un plateau entièrement nu, sur fond bleu et ajoutant les décors par incrustation, et le son en postproduction, Jean-Christophe Averty invente des mondes à partir de rien. Le plus souvent, les décors sont dessinés, et très inspirés par la bande-dessinée. Il décrit les acteurs comme des marionnettes.
La musique, live ou enregistrée, a joué un rôle prépondérant dans l’œuvre d’Averty, à la télévision comme à la radio. Collectionneur passionné de disques, il fut tout au long de sa carrière un passeur généreux de la musique qu’il aime.
Il a mis en image une grande partie de la variété française dès les années 1960 et a également été le réalisateur officiel du Festival de jazz d’Antibes pendant près de 30 ans. Il a également produit de nombreuses comédies musicales pour la télévision. A partir de 1978, il présente Les Cinglés du Music-hall sur France Inter, une émission qui durera 28 ans.
«The Averty Show» n’est pas une exposition en forme hommage, ni une relecture érudite du travail d’Averty. Elle prend pour point de départ son œuvre télévisuelle et la met en regard du travail d’artistes contemporains, pour la plupart vidéastes. Certains d’entre eux connaissent bien son œuvre et s’en sont nourri, d’autres l’ont croisée, et certains ne le connaissaient pas.
Quoi qu’il en soit, ils partagent tous une même sensibilité à l’image, une même approche de l’art qui fait la part belle à l’imagination (et il faut entendre ici ce terme dans son sens le plus fort, celui d’une faculté puissante, voire révolutionnaire), un même goût du collage, et un même refus des hiérarchies culturelles, de l’illusionnisme et du naturalisme.
Jean-Christophe Averty n’est pas un artiste. Il se définit lui-même comme un «téléaste». «The Averty Show» ne vise donc pas à le réintégrer de force dans une histoire des arts visuels, mais simplement à affirmer que son travail pour la télévision française est une Å“uvre à part entière, qu’Averty est une imagination indépendante qui s’est nourrie de l’histoire des arts et qui l’a nourrie en retour et qu’il fait pleinement partie de la culture visuelle de notre époque.