Franky
The Art of Franky
Franky expose, Frank est exposé, qui est Franky? Dans «The Art of Franky», l’alternative entre deux expériences curatoriales maintient savamment l’ambiguïté. Dans la première, vous assistez à une rétrospective, celle d’un plasticien rodé à l’exercice du marché de l’art, usant de l’humour potache et scabreux pour transgresser les codes de la bienséance, ou critiquer les dérives du consumérisme. Dans la seconde, l’exposition relève d’une ironie profonde, Franky n’y est qu’un concept, un être imaginaire qui met en défaut l’illusion du système institutionnel, rongé par le capitalisme et la bureaucratisation. Mais créateur réel ou simple image de l’artiste, cela fait-il une vraie différence? La question est posée.
Comme tout plasticien, Franky relève des deux à la fois, c’est un personnage conceptuel avec un nom mis en lumière, un style transgressif, un univers de référence — Fluxus, Dada, la culture pop et popu dont il reprend les codes — et une histoire personnelle. Il est pdg d’une maison d’édition, Les Requins Marteaux, spécialisée dans l’art graphique (bande dessinée, catalogue d’affiches, dessin d’animation), en proie à des difficultés financières qu’il tente (maladroitement) de résoudre. Il n’a a priori rien d’un artiste, mais présente ses micro-événements comme autant d’œuvres plastiques ou de performances: vente aux enchères, conférence, exposition au sein du Musée Ferraille ou de son supermarché.
Comme tous ses pairs jouant le jeu de la publicité mondaine, il n’est parfois plus qu’un nom, celui qui reste quand l’œuvre s’efface, ou tout juste un canular, lorsqu’elle n’est que prétexte. Pour cette exposition, il met en scène les bribes de vie et les idées d’un artiste peu scrupuleux, en quête de bling-bling et de notoriété, qui pense avoir trouvé dans le milieu de l’art la promesse d’une manne financière, capable de sauver sa maison d’édition. L’intention parodique ne doit toutefois pas nous faire manquer l’essentiel d’une critique à peine déguisée. Sous le portrait acerbe du type caricatural d’un artiste-entrepreneur, se cache l’engagement d’un homme en faveur de la valorisation de formes d’art et d’édition indépendantes. Entre motivations sérieuses et expression frivole, dans la supercherie du réel et la véracité de la fiction, l’éditeur de BD, loin de buller, cherche avant tout, et par tous les moyens, à déborder du cadre.