Au centre de l’espace, un dispositif rotatif en suspension projette sur les quatre grands murs blancs une vidéo, elle-même filmée par une caméra fixée sur un axe tournant à 360 degrés. Si bien que notre corps devient cet axe, et notre oeil, l’objectif de la caméra. Il s’agit d’un plan séquence d’une durée de douze minutes montrant l’intérieur d’un appartement bourgeois: à chaque passage, un élément du décor — un fauteuil, une chaise, une plante verte, une boîte Brillo, un livre — est démultiplié, puis disparaît, dans une performance de prestidigitation dont Gondry, magicien du montage, connaît bien le secret. La répétition, la mise en abyme, la mémoire, sont les cartes maîtresses de son œuvre.
Une belle idée, à la fois simple — en apparence — et terriblement efficace, qui, pour reprendre le titre d’une œuvre de Pierre Bismuth exposée à la Cosmic Galerie en 2003 (Presque identique, très légèrement différent, aux côtés de Laetitia Bénat), aurait pu être baptisée Des choses en moins, des choses en plus. C’est sur le mode ludique que se joue ce qui pourrait s’apparenter ici à un jeu des sept erreurs nouvelle génération…
La seule présence humaine se trouve enfermée derrière l’écran de télévision : une scène du film Eternal Sunshine of the Spotless Mind, réalisé par Gondry d’après une idée originale de Bismuth. La voix des acteurs se fait encore entendre lorsque le poste est hors champ, et en vient à constituer la bande-son de la vidéo, et de l’installation.
Progressivement, l’espace, déjà dépeuplé, se vide, et se tait, car le poste de télévision finit lui aussi par s’évanouir. Les fenêtres, au travers desquelles l’on distingue de célèbres monuments internationaux, disparaissent tour à tour, comme autant de fenêtres sur le monde, quand bien même l’on pourrait considérer qu’elles donnent à voir des images tenant du cliché. L’espace se referme sur lui-même dans un mouvement de spirale dégénérescente. L’appartement, et à fortiori l’espace de la galerie, devient une métaphore de l’espace mental, de la mémoire, qui au fur et à mesure du temps, s’érode, ou, comme il est question dans Eternel Sunshine, est partiellement effacée.