PHOTO | CRITIQUE

Teun Hocks

PCéline Piettre
@12 Jan 2008

Dans la blancheur de ses locaux fraîchement rénovés, la galerie Patricia Dorfmann accueille les grands formats du Néerlandais Teun Hocks. Simultanément peintre et photographe depuis 1973, il se met en scène dans des situations incongrues et délirantes. Toujours vêtu de son incontournable costume sombre, il amuse notre oeil d’un humour grinçant et décalé.

Teun Hocks est un rêveur. De la trempe de ceux qui rêvent sans même avoir besoin de dormir. Un éternel somnambule, un incorrigible fabriquant de songes, dont l’inspiration tragi-comique nous fait passer de l’univers du conte à celui du cauchemar, du burlesque d’un Buster Keaton à une lucidité toute beckettienne.
Le nez au ciel, la tête dans les étoiles, l’artiste garde les pieds sur terre, courant le risque de trébucher ou de s’embourber, témoignant ainsi du caractère dérisoire de la condition humaine.

Les œuvres réunies ici montrent un personnage égaré dans des paysages désolés ou lunaires, qui semble ne pas prendre conscience de sa propre détresse, comme s’il venait tout juste de s’extirper du sommeil. Travesti en ventriloque ou en tambour réduits au silence, sortant d’un trou de souris sous la menace d’une ombre féline, il inspire le rire et la pitié, curieusement mêlés ensemble.
Et le grotesque apparent des scènes masque une sourde mélancolie : celle de l’homme confronté à la solitude et à l’impuissance de ses actes, celle de l’artiste devant son incapacité à saisir le réel et l’essence même des objets ou des êtres qu’il représente.

On pense à Magritte, dont on reconnaît la veine surréaliste, le goût du mystère et de l’absurde, mais aussi aux peintres flamands du XVIIe siècle. Même paysages lumineux, à la végétation rare, aux ciels bas et à l’horizon dégagé, qui ne sont pourtant que des décors en carton-pâte fabriqués de la main de l’artiste et photographiés en noir et blanc. Tirés en Sépia, les clichés sont ensuite rehaussés à l’huile, gagnant en couleurs et en poésie.
Une technique mixte, qui a l’apparence de la peinture, mais laisse visible les flous du médium photographique et renforce ainsi l’impression d’irréalité des situations vécues par l’artiste, proches de l’atmosphère des Voyages de Gulliver. La référence à l’ouvrage satirique de Jonathan Swift paraît d’ailleurs évidente dans un des tableaux de l’exposition, où Teun Hocks est maintenu au sol par des liens minuscules, comme le capitaine Lemuel à son arrivée sur l’île de Lilliput.

Auteur d’un petit théâtre de l’étrange, Teun Hocks écrit des histoires sans scénario, crée des tableaux sans titre, laissant le regardeur libre d’interpréter le sens — ou plutôt le non-sens — des images qui lui sont données à voir. Son omniprésence physique ne fait pas de lui un dirigiste. Il nous donne la possibilité d’habiter ses œuvres, s’en absentant temporairement, comme dans cette vidéo qui le montre accroché à un lustre lancé dans un interminable va et vient, contraint à quitter par intermittence le champ de la caméra, et de notre regard.

Teun Hocks
— Untitled (Drummer), 2006. Photo noir et blanc rehaussée à l’huile. 127 x 167 cm.
— Untitled (At the Door), 2006. Photo noir et blanc rehaussée à l’huile. 119 x 157 cm.
— Untitled (With a Mouse), 2006. Photo noir et blanc rehaussée à l’huile. 121 x 158 cm.
— Untitled (Selfportrait), 2006. Photo noir et blanc rehaussée à l’huile. 162 x 124 cm.
— Untitled (Sleeping Between Books), 2007. Photo noir et blanc rehaussée à l’huile. 160 x 132 cm.

AUTRES EVENEMENTS PHOTO