Jennifer Caubet, Rometti Costales, Anne-Charlotte Finel, Arash Nassiri, Eva Nielsen, Julien Prévieux
Territoire
Ce sont là des traces, des marques, des éléments. Des indices peut-être. On a probablement des impressions de reconnaître quelque chose. Seulement des impressions car rien ne paraît relever du réel, tout est image. Une étendue plate et opaque qui emmène le regard ailleurs, dans des souvenirs et dans des lieux imagés.
Un signe semble figurer un ailleurs, des circonstances autres; il semble s’être arrêté en passant, imprimé: il suggère une identité à laquelle il s’apparente, un lieu d’où il vient, un temps auquel il échappe.
C’est un territoire qui est évoqué, un «quelque part» représenté, dont la temporalité est étirée et la localité affranchie des limites physiques. Des images ont surgi, chargées de sens. Le champ des possibles s’est étendu par la recherche d’une poésie fictionnelle. Alors les limites du réel s’effacent, les choses s’en émancipent et deviennent visibles autrement, de même que d’autres sont rendues perceptibles.
Les œuvres regroupées dans cette exposition ne cherchent pas à définir un territoire et son identité; elles semblent s’efforcer de brouiller les pistes, d’estomper les frontières établies dans le temps et dans l’espace, pour regarder ces derniers autrement et ouvrir des passages inusités.
Tout se passe comme une confrontation à la réalité: pour prendre la mesure de celle-ci, pour en avoir le plus conscience possible, pour en expérimenter les possibilités ainsi que les ressources, non seulement physiques mais aussi métaphysiques.
Un pays est un territoire, la ville est un territoire, l’habitat en est un, de même qu’une chambre; alors nous pourrions bien dire que la pensée est territoire. Ce serait comme se dire qu’au regard des éléments physiques et factuels qui composent le paysage de l’actualité, et par là même qui constituent le continuum urbain, un espace est démuré par le biais des œuvres, une étendue s’ouvre dans la tête de celui qui regarde, un pas de côté dans l’imaginaire et la représentation, un méta-territoire qui donne à repenser le monde, à le réinventer.
Le réinventer, c’est-à -dire faire de fantasmes une réalité probable, faire d’une anomalie une possibilité d’envisager l’espace, faire d’une association incongrue d’images une ressource pour produire du sens, ou encore faire de l’occupation d’un lieu l’occasion d’une expérience autre.
Mathis Berchery