Maja Bajevic
Terrains vagues
Diplômée des Beaux Arts de Paris en 1996, Maja Bajevic poursuit depuis une carrière internationale, ponctuée par sa participation à de grandes expositions (Biennale de Venise, Biennale d’Istanbul, Biennale de Tirana, Manifesta 3) et à sa collaboration avec de nombreux commissaires.
«Terrains vagues» est sa première exposition personnelle en France. Elle présente à cette occasion une série de six photographies intitulée «Merry Christmas and a Happy New Year» (2005) ainsi que deux travaux vidéographiques Double Bubble (2001) et Green Green Grass of Home (en collaboration avec Emanuel Licha, 2002).
L’oeuvre de Maja Bajevic épouse de nombreuses formes d’expression, notamment la performance, la vidéo, l’installation et la photographie. Son projet en trois parties «Women at work» (performances, photographies et vidéos), fait le lien entre les thèmes qui sous-tendent son travail : l’intime, le foyer et sa perte et ce que Bojana Pejic appelle la « politique de la domesticité ». Du particulier au général, du local au global, les histoires de Maja sont empreintes d’une sensibilité qui se veut universelle, même si elle l’exprime à travers son expérience propre. Il s’agit pour l’artiste de raconter un vécu marqué par le souvenir de la guerre, de la perte des repères. Un travail qui relève de l’intime et du politique, où le premier nourrit le second.
« La signification d’une oeuvre d’art qui traite d’un «thème local» n’est évidemment jamais la même «sur place» et sur la scène internationale. Cependant, si elle est assez réussie, elle peut non seulement effacer les différences mais également éveiller des sentiments qui n’ont peut-être rien à voir avec son contexte géographique mais plutôt avec l’histoire humaine en général.
L’histoire humaine et les peurs humaines, la beauté. Le fait qu’un artiste parle à partir de sa propre expérience ne peut que conférer du pouvoir à l’oeuvre, le pouvoir de quelque chose qui a été vécu et pas seulement élaboré intellectuellement. La possibilité pour une oeuvre de traverser les frontières vient de la capacité de l’artiste à présenter son expérience afin qu’elle soit lisible par des gens avec des expériences totalement différentes. Personnellement, ce sont les ?uvres que je trouve les plus intéressantes. »
Maja Bajevic
Les oeuvres
Dans Double Bubble, Maja Bajevic, actrice de la vidéo, émet des assertions paradoxales : « I go to church. I rape women » (« Je vais à l’église. Je viole des femmes ») ; « My wife wears a Tchador. I make her wear it. Then I go to see prostitutes » (« Ma femme porte le tchador, je l’oblige à le porter. Ensuite je vais voir des prostituées »). La forme épurée du film souligne la brutalité de mots qui révèlent l’incroyable hypocrisie de certaines utilisations des religions. Cette oeuvre mêle l’intime et le politique en évoquant une nouvelle forme de fanatisme.
Dans Green Green Grass of Home, l’artiste est filmée sur une pelouse à perte de vue en train de décrire et de délimiter un appartement imaginaire. Cet appartement, en fait bien réel, est celui de ses grands-parents. Situé à Sarajevo, il a été occupé pendant la guerre en Bosnie-Herzegovine et l’artiste n’avait pu y retourner avant le tournage de cette vidéo. L’absence de foyer, l’impossibilité de retrouver les endroits qui ont pu être familiers dans les décombres d’une guerre, tels sont les thèmes abordés par ce film qui laisse une large place à l’autobiographie.
Enfin la série de photographies Merry Christmas and a Happy New Year, récompensée d’un prix à la biennale de Sharjah (Emirats Arabes Unis), d’une grande qualité esthétique et poétique, présente des maisons à peine reconstruites, mais déjà décorées pour Noël, dans une atmosphère étrange et mélancolique.
critique
Terrains vagues