ÉCHOS
29 Oct 2009

Tendances religieuses dans l’art contemporain

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L’art contemporain et la religion chrétienne: deux termes généralement perçus comme antinomiques. D’un côté, l’éphémère, le banal et une liberté hors norme; et de l’autre côté tout un système de valeurs morales inébranlables et de lois célestes éternelles.

Lors de la foire internationale d’art contemporain (Fiac) à Paris, l’artiste chinois Huang Yong Ping a installé un bateau de papier portant des couples d’animaux empaillés (ours polaires, girafes, chameaux, éléphants) dans la chapelle de l’École nationale supérieure des beaux-arts. Tout en faisant allusion à l’épisode biblique de l’Arche de Noé destiné à sauver une paire de chaque espèce du Déluge, Huang Yong Ping prend clairement ses distances avec le récit original. Car dans la version de l’artiste, certains des animaux sont mutilés: ils portent des marques de calcination comme traces d’une violence autre que le châtiment divin auquel ils viennent d’échapper.

Dans cette installation à la signification instable, Huang Yong Ping réanime un chapitre de la vieille histoire sainte en des termes nouveaux, proposant une réflexion sur le sujet de la violence.
Même si sa Barque 2009 n’entretient pas de rapport direct avec la chapelle, celle-ci en constitue un site d’exposition idéal: en résonance avec les œuvres d’art sacrées alentour, l’installation renforce sa vision non orthodoxe qui transporte le récit religieux d’antan vers un présent incertain.

De nombreux édifices religieux se sont aujourd’hui ouverts à des présentations éphémères d’art contemporain. À côté de manifestations singulières, des rendez-vous annuels comme «Art et Chapelles» dans la région d’Anjou, ou « Art dans les chapelles» dans le Morbihan, tentent depuis des années à faire davantage converger les intérêts de l’art avec ceux de la religion dans une promotion réciproque de leur patrimoine respectif. Dans ce genre de manifestation, la plupart des œuvres sont abstraites. Loin de toute prise de position, l’art semble ici retrouver une fonction ancienne — celle du décor.

Il en va différemment pour des installations figuratives comme l’œuvre de Huang Yong Ping qui présente des références claires à l’histoire sainte. Loin des canons traditionnels, d’autres réinterprètent les sujets religieux, jusqu’à devenir la cible d’un public offusqué.

C’est en particulier le cas de la Pietà de Paul Fryer de la collection François Pinault, qui a été installée durant une semaine en avril dernier dans la cathédrale de Gap. Au lieu de représenter une descente de Croix conventionnelle (où le corps du Christ repose sur les genoux de la Vierge Marie) la Pietà de Paul Fryer montre le corps du Christ sur une chaise électrique, la tête penchée vers un côté, les bras étendus reposant sur les deux accoudoirs du meuble sinistre.

Pourquoi cette double mise à mort de celui dont les attributs traditionnels — couronné d’épines, marques de la Crucifixion, périzonium — révèlent clairement l’identité ?
Mgr Jean-Michel di Falco, initiateur de cette exposition polémique (qui a drainé plus de 4000 visiteurs), explique avoir souhaité avant tout sensibiliser le public: «Je voulais que le choc provoqué nous fasse reprendre conscience du scandale de quelqu’un cloué sur une croix. Par habitude on n’éprouve plus de réelles émotions face à quelque chose de véritablement scandaleux, la crucifixion» (Le Monde, 10 avril 2009).

La Vierge et l’enfant de Pierre & Gilles, conçue à l’occasion de la Force de l’Art 02 (2009) pour une chapelle baptismale de l’Église Saint-Eustache à Paris détache, elle aussi, le sujet partiellement de son contexte biblique et historique.
Cette photographie, accrochée comme une grande toile, montre la jeune actrice française d’origine maghrébine Hafsia Herzi en Vierge Marie laquelle, conforme à la tradition, porte son enfant de la main gauche et le désigne comme le Christ de la main droite.
Toutefois, la robe de mariée de Hafsia Herzi signée Christian Lacroix et l’environnement — une décharge de voitures, des échafaudages et des cônes de signalisation — se prolongeant même au-delà de l’image photographique et semblant renvoyer à l’état présent de cette chapelle en cours de rénovation, sont très loin des décors majestueux habituellement associés à ce type de représentation.

À la différence de cette œuvre, expressément conçue pour l’endroit, la vidéo Threshold to the Kingdom (Seuil du royaume) de Mark Wallinger, qui a été installée lors la dernière édition de la Nuit Blanche en octobre 2009 dans cette même église, est une œuvre de 2000. On y retrouve cette superposition de motifs séculaires et sacrés: sur la musique du Miserere d’Allegri, des passagers traversant la porte des arrivées internationales à l’aéroport de Londres semblent franchir la porte du royaume céleste.

Toutes ces œuvres ont en commun de substituer à ces récits théologiques «une réflexion anthropologique, sur l’homme». Recentrant le regard sur la vie sur Terre, elles s’emparent des anciens récits et les racontent depuis un autre point de vue, «en observant ce que ceux-ci disent de nous-mêmes, plutôt que ce qu’ils suggèrent de nos dieux» (Jean de Loisy, L’Arche 2009, Galerie Kamel Mennour)

Même si les interventions peuvent choquer des croyants, l’Église recherche aujourd’hui de plus en plus ce dialogue avec des plasticiens, espérant attirer un nouveau public, et montrer ainsi ses capacités d’adaptation et son ouverture aux questionnements contemporains.

Ainsi on peut lire, sur le site de Saint-Eustache: «À une époque où le religieux ne semble offrir que la caricature de lui-même, à un moment où le christianisme semble épuisé dans notre occident débordant de richesses et creusé d’incertitudes, dans une période où le catholicisme donne l’impression d’être uniquement arc-bouté sur des contenus figés, il nous semble essentiel de montrer comment nous partageons en réalité les joies et les espoirs, les angoisses et les tristesses, qui caractérisent toute existence humaine aujourd’hui comme hier».

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