L’œuvre de Günter Brus est faite de peintures corporelles (Selbtsbemalung, 1964), de performances radicales où il tente de dépasser ses propres limites physiques — Selbstverstümmelung (Automutilation, 1965), Starrkrampf (Tétanos), Tortur (Torture) ou Zerreißprobe (Tentative d’auto-déchirement) —, de photographies, de films d’action (Wiener Spaziergang, 1965), de livres d’artiste, de dessins et d’écrits (Irrwish, roman, 1971).
Dans les années soixante l’Actionnisme viennois dénonçait avec violence l’impossibilité pour l’artiste de créer dans l’étouffante société autrichienne, qu’il accusait de n’avoir jamais rompu avec son passé nazi. Günter Brus en fut l’un des représentants les plus virulents aux côtés d’Otto Muehl, Hermann Nitsch, Rudolf Schwarzkogler, Adolf Frohner, Alfons Schilling, etc.
L’Actionnisme viennois adoptait alors une attitude délibérément provocatrice et agressive à l’égard des valeurs dominantes et entendait briser les catégories esthétiques traditionnelles. Il prolongeait l’héritage de l’Art informel, du Tachisme et de l’Action Painting.
Les artistes, qui souhaitaient la mort de l’art de l’illusion, de la représentation, et la disparition du chef-d’œuvre et du musée, plaçaient désormais la réalité au cœur de leurs préoccupations. Dans une attitude provocatrice, ils détruisaient l’harmonie et utilisaient le corps comme moyen premier de communication. Günter Brus étant le premier artiste à avoir mis en scène son propre corps, il est considéré comme l’un des fondateurs de l’art dit corporel.
Artiste de la provocation et de la transgression des tabous, Günter Brus, en 1968 lors de l’action collective Kunst und Revolution (Art et Révolution), but son urine, recouvra son corps de ses excréments, et se masturba en chantant l’hymne national autrichien. Cette action lui valut six mois de prison et un exil à Berlin en 1969. Là , il créa le Gouvernement autrichien en exil avant d’«abdiquer en tant qu’artiste».
Depuis 1970, Günter Brus se consacre au dessin et à l’écriture, qu’il combine parfois en Bild-Dichtungen (tableaux-poèmes). L’œuvre est prolifique ; les dessins à l’encre, pastel gras, et crayon noir présentés à la galerie Claudine Papillon explorent les méandres de la pensée, l’aspect sombre et ésotérique de l’âme humaine, empreints de rêves.
L’exposition présente notamment une grande lithographie d’un cosmos onirique noir et sépia. Günter Brus explore un univers psychanalytique, symbolique et tourmenté, mélange d’art fantastique et de surréalisme. Ses visions intérieures proches de la folie convoquent Eros et Thanatos, sexe et pulsions de mort, dans la veine fantastique des maîtres visionnaires, de l’onirisme oppressant du dessinateur et illustrateur Alfred Kubin. Il renoue aussi avec les noirs d’Odilon Redon et sa «logique du visible au service de l’invisible» de la fin du XIXe siècle.
Son œuvre picturale et graphique a valu à Günter Brus, âgé de 70 ans, le Grand Prix de l’Etat autrichien (1996) et le prix Kokoschka (2004). Le musée Arentshuis en Belgique consacrera en septembre-décembre 2008 une exposition à l’ensemble de son œuvre.
Publications
Günter Brus, Amor & Furor, Editions Absalon, traduction Catherine Henry, 2007
Günter Brus
— Stillstand der Dynamik (Standstill of Dynamics), 2002. Pointe sèche surcuivre, écritures sur pierre lithographique. 97 x 197,5 cm
— Der Schatten von einst, 2006. Pastel gras, gouache. 43 x 58 cm
— Spielzeug, 2006. Pastel, gouache. 43 x 58 cm
— Ikone, 2004. Pastel gras. 56 x 76 cm
— Gedanken StoBen, 2005. Pastel gras. 30 x 42 cm
— Der Schrei, 2005. Pastel gras, peinture acrylique. 108 x 79 cm
— Kunstliebhaber sind gespaltene Gewöhnlichkeinten, 1996. Crayon noir, pastel. 45 x 32,5 cm
— Die Erlebnisgesellschaft, 1994. Crayon, pastel gras. 88 x 62,5 cm
— Fünf Kratzspuren (Five signs of scraping), 2001. Pointe sèche, 5 planches. 30 x 21 cm
— Weltberünhmter Parfumverdampfer, 2002. Encre, crayon, pastel. 30 x 43 cm
— Aus einem Skizzenbuch, 2003. Encre, crayon, pastel. 30 x 43 cm
— Jakob von Hoddis, 2001. Pastel. 30 x 42 cm
— Was wissen wir schon von unseren Obergrenzen, 1996. Pastel. 39,5 x 30 cm
— Man kann sich nicht vorhersagen, 2005. Pastel. 56 x 76 cm
— Tierisch einfach, 2005. Pastel. 49,5 x 69 cm
— Schöne Kunst ist freie Kunst, 2004. Pastel. 56 x 75 cm
— Kunst ist ein erloschener Leuchtkörper, 2001. Encre, pastel. 42 x 29,5 cm
Livre d’artiste
— Landläufiger Tod (Commonly Death), 1984. Pointe sèche, 7 planches. 12 x 15,5 cm
— Körperanalysen (Body-Analysis), 2002. Pointe sèche sur cuivre. Comprenant 2 livres et un DVD. 29 x 20,8 cm.