ART | EXPO

Temps mort

08 Sep - 09 Oct 2010
Vernissage le 08 Sep 2010

«Temps mort» résulte d’une année d’échanges d’images fixes et de vidéos, via des téléphones portables, soit plus de trois cents sms et mms, entre l’artiste et deux de ses connaissances détenues au sein d’un établissement pénitentiaire.

Mohamed Bourouissa
Temps mort

Kamel Mennour présente «Temps mort», la première exposition personnelle à la galerie de l’artiste Mohamed Bourouissa.

Produit entre 2008 et 2009, et récemment présenté dans le cadre de l’exposition Dynasty au Palais de Tokyo ainsi qu’à la dernière Biennale de Berlin, le projet Temps mort nous rappelle l’imagerie propre au photoreportages ou au documentaire sociétal véhiculé par les médias. Et pourtant, le processus qui l’a fait naître, l’éloigne définitivement d’une esthétique journalistique.

Mohamed Bourouissa a longtemps opéré avec dispositifs de prises de vues sophistiqués comme en témoignent la série «Périphérique» et celles des «Écrans»… Dès lors, Temps mort opère une véritable rupture. Il inaugure un nouveau développement dans la recherche de l’artiste, développement marqué par un recours à des dispositifs low tech et des modes opératoires simples et fonctionnels, mieux adaptés à des projets en situation réelle, c’est-à-dire, à des projets dont le principe de base est l’immersion au sein d’une réalité sociale effective, d’un vécu plus ou moins partagé. Aux marges de la légalité, le moyen de captation du réel utilisé va devenir la clef de voûte d’une organisation poétique singulière.

Temps mort résulte d’une année d’échanges d’images fixes et de vidéos, via des téléphones portables, soit plus de trois cents sms et mms, entre l’artiste et deux de ses connaissances détenues au sein d’un établissement pénitentiaire. Contre des recharges, Mohamed Bourouissa dirige à distance des mises en scènes à reconstruire dans la structure même de la prison. Il indique et précise au moyen de croquis et d’instructions le type de plans qu’il souhaite recevoir, pour ensuite les imprimer, les re-photographier avant de les développer à échelle 1 afin d’être au plus près de la faible définition des
images initiales.

Présentées dans la salle 3 de la galerie, l’installation photographique, qui constitue le premier temps de ce projet, exhibe ainsi les fragments d’un quotidien carcéral. Accrochés à «hauteur réelle», c’est-à-dire de manière à ce que chaque objet, figure ou élément du décor se trouve à une hauteur proche de celle qui était la sienne au moment de la prise de vue, les 9 clichés de la série engagent le corps du spectateur dans le processus même de monstration. Ils le laissent libre de reconstruire une représentation globale de cet univers carcéral, de combler mentalement les blancs d’entre les images, les espaces existant entre le lit, la casserole, la radio, la fenêtre grillagée, la lampe, etc… Proposant, comme son titre l’indique une réflexion sur le temps, sur un temps suspendu, c’est très naturellement que le projet s’est enrichi d’un développement vidéographique.

Présenté dans le tube, le film Temps mort découle lui d’un échange réciproque de mini-séquences vidéos qui seront mises bout à bout au montage. Plans télécommandés d’un quotidien carcéral, l’ordinaire d’un lavabo, d’une plante verte ou d’une assiette de pâtes au beurre; contre des scènes d’une vie à l’extérieur, des rues de Paris, d’une nuit d’amour ou encore de paysages de bord de mer. Pas de sensationnalisme ni de pathos mais une nudité et une simplicité qui place le spectateur/voyeur dans une situation d’humilité.

Et pourtant, comment ne pas penser à celui qui galère derrière ces murs? Comment ne pas dire notre indignation face aux prisons françaises, leurs fameux préaux, ces zones de non-droit, leurs douches insalubres et les quatre rouleaux de papier hygiéniques mensuels… Cela permet une tension par un habile non-dit. Tout en croisant les deux points de vue, le film reste d’une sobriété qui révèle paradoxalement une situation humaine proprement violente. Les sujets de discussion et l’affinité langagière, que l’artiste nous révèlent par l’intégration de quelques conversations textos, provoquent dès lors une contradiction et donnent à cet échange binoculaire une densité et une réalité sociologique.

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