Genêt Mayor
Tempo giusto
C’est un dimanche, à l’aube de l’année 2012, qu’un journaliste romand (n’y voyez là qu’un hasard) annonce avec fracas l’émancipation des musiciens. Dans la sphère de la musique classique autant que celle du hip-hop, les artistes en appellent à un ralentissement du tempo.
Après son exposition «Speed Stacking» au Frac Pays de Loire, Genêt Mayor cale son rythme sur celui des musiciens du mouvement «chopped and screwed» qui, défoncés au sirop contre la toux, freinent la pulsation à 60 bpm.
Au-delà de son goût pour l’anecdote, ce n’est pas un hasard si Genêt Mayor intitule ainsi son exposition. Avec «Tempo giusto», il inscrit son œuvre à la croisée de la productivité et du rythme, de la cadence et de l’art, de la technique et de la créativité.
Pour cette exposition, Genêt Mayor propose un certain usage de la peinture appliquée tour à tour à des cubes et des assemblages de bois, mais aussi des écorces d’arbre, des cailloux et des os de seiche. Bien sûr, la seiche appartenant à la famille des céphalopodes comme la pieuvre ou le calmar, éclaire l’intérêt récurrent de l’artiste pour les animaux marins et la cryptozoologie, l’étude des hypothétiques animaux cachés comme le yéti.
Quant à son usage de la peinture, il se déploie de manière modulaire, sérielle et géométrique, mais le dessin «à main levée» et le rythme improvisé affranchissent l’artiste de tout héritage historique constructif comme l’Art concret ou le Neo-Geo.
Une branche trouvée ornementée devient prosaïquement Chaussette (2011). L’application de trois triangles sur un motif quasi hard edge constitue Trident (2010). À l’instar de ces réalisations, Genêt Mayor conçoit une œuvre à la manière d’une constellation reliant la nature et le domestique, le mystère et l’identification. Les os de seiche se retrouvent sur un présentoir à planches de surf, les écorces d’arbre sont achetées dans un magasin pour animaux domestiques et les modules pour souris sont employés pour une architecture moderniste.
Reliant de manière inattendue les céphalopodes aux loisirs et les animaux domestiques à la géométrie, Genêt Mayor rejoue avec humour une modernité qui, dans une perspective nostalgique ou progressiste, n’eut de cesse de distinguer l’art et la culture, des formes originelles (Urformen) et des mondes archaïques.