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Télémétries : artistes & télévision

Suivant l’exposition «Télémétries : artistes & télévision» organisée par l’artiste Frédéric Dumond à la Galerie Villa des Tourelles de Nanterre, ce catalogue en prolonge le propos par des textes théoriques et des notices d’artistes.

Information

  • @2007
  • 22-953004-304
  • \17,40 €€
  • E112
  • Zoui
  • 4Français
  • }16 L - 21 H

Présentation
Commissaire de l’exposition : Frédéric Dumond
Télémétries : artistes & télévision

Ce catalogue est conçu à la fois comme une trace de l’exposition qui a eu lieu du 7 février au 26 mai 2007 à la Galerie Villa des Tourelles, à Nanterre, et son extension : outre des textes théoriques et des notices relatives aux artistes exposés (positions), le catalogue intègre d’une part des notices de pièces non exposées, qui ont trouvé tout naturellement leur place dans le développement en marge de l’exposition que constitue ce catalogue ; et d’autre part des textes de trois écrivains, la littérature étant un champ non présent dans l’exposition proprement dite.

Extraits du texte de Frédéric Dumond, «(and) the medium is not…»

«La télévision est un flux, un objet, un meuble, un média de télé-communication et une présence quotidienne. Objet hybride et qui ne vaut que quand il est « allumé » (connecté), cet écran noir, « fenêtre ouverte sur le monde », est une surface proprement in-sensée quand elle ne diffuse pas d’images. Eteinte, son opacité, son silence renvoie à une solitude projetée comme insupportable dans un monde que l’essor des communications et des télécommunications aurait transformé en village global. « Quand la télévision est éteinte, le monde reste en attente », note Vito Acconci.

Instrument temporel de distraction, la télévision est aussi lieu de la parole politique (lieu ?), médium par lequel l’ »actualité » du monde (monde-information et monde-marchandise) est présentée (mise au présent permanent) à tous, en même temps. Et d’une manière très étrange — ou des plus évidentes si on prend en compte ce qu’elle touche, c’est-à-dire nos pulsions —, elle s’est « imposée » dans chaque appartement jusqu’à devenir un élément-clé de la vie quotidienne.

Dans les premières années de son développement, ce nouveau média a suscité des enthousiasmes certains : on y a vu un outil capable de toucher le plus grand nombre, donc un moyen possible (hélas fantasmé) de diffuser expérimentations et pensée dans chaque foyer. Des cinéastes comme Antonioni ou Godard, des personnalités du monde de l’art comme Gerry Schum et quelques autres aux Etats-Unis, ont cru pouvoir s’en servir comme support de transmission de la culture. Des artistes comme Nicolas Schöffer, Daniel Buren, Chris Burden, etc. ont créé des formes destinées à s’intégrer aux programmes télévisés. On a cru pouvoir faire de l’art à la télévision et avec la télévision (voir aussi l’énergie déployée en France par Jean-Christophe Averty pour créer de l’inédit à l’intérieur même des programmes). Mais ces expériences — pour pertinentes qu’elles aient été et quelle que soit la diversité des conditions politiques et économiques, commerciales et culturelles dans lesquelles chacune s’est intégrée — sont restées solitaires, sans descendance. Elles n’ont pas généré une énergie, une dynamique telles qu’elles auraient entraîné une évolution, un changement de la logique programmatique de l’économie du télévisuel.

La télévision est aujourd’hui quasi totalement régie par une logique marchande.Exceptées de rares chaînes dites culturelles, ce qui est vu par le plus grand nombre se compose d’objets spectaculaires, générant divertissement, « entertainment », détente et consommation plutôt que réflexion sur soi et/ou le monde. Tout ce que cadre ce média, culture, individus, événements, est transformé en biens de consommation. Déformation systématique de ce qui est télé-diffusé : le monde/la « réalité » sont monstrés plutôt que montrés, et toujours au présent, immédiats, accessibles en prise directe. […]

Le danger est grand : parce que la destruction de l’économie libidinale empêche tout individu de se constituer en tant que lui-même ; parce qu’éliminer le soi intime, ou le rendre trop lointain, ou encore induire la détestation de la conscience de soi au profit du sentiment d’appartenance à la foule médiatique artificielle (les audiences) détruit le lien social profond, atomise la société en autant de communautés (plus ou moins avouées). […]

Utiliser la télévision comme une matière à partir de laquelle réfléchir ce qu’elle télé-diffuse, c’est s’opposer à l’hyper-synchronisation des programmes, en en ralentissant le flux, en constituant une mémoire de ce qui est destiné à passer. Déplacer le présent permanent du flux télévisuel dans le temps. Prendre du temps, prendre son temps, différer. Mesurer ses positions dans l’espace et dans le temps, par rapport aux objets et aux autres. Il est nécessaire de ralentir pour s’approcher de l’objet du travail. Et plus que le questionner, le mettre en relation, c’est-à-dire à la fois le vivre dans l’espace et le temps, et le raconter. […]

Une grammaire se constitue, à la fois singulière et commune, qui donne un sens et réintroduit l’autre dans ce qui ne génère que du même. Parce que la grammatisation du monde est ce qui permet de le penser, de prendre sa position. Et d’être, enfin, un être politique.»

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