Soulèvement. Un solo sur la résistance (2018). Tel est le nom complet de la pièce créée et interprétée par Tatiana Julien (C’Interscribo). Entre énergie de rupture et archétypes de révolte, Soulèvement se livre à une exploration de ce qui fait l’émotion. Dans son acceptation en usage au XVIe siècle, à savoir celle du mouvement populaire. Le corps tressaille, se redresse, convulse, lève les mains, les bras… Le soulèvement n’est pas qu’un mot : c’est aussi une mécanique de gestes et d’images. Un travail d’engrenages et d’entraînement dont Soulèvement dévoile quelques ressorts. Malaxant le verbe autant que la chair, Tatiana Julien dévoile ainsi quelques-unes de ses inspirations. La parole active et performative — pour une compagnie qui tire son nom, Interscribo, du latin : « j’écris entre les lignes ». Comme Tatiana Julien le note, chaque langue possède son propre soulèvement, inséré dans un champ sémantique particulier.
Soulèvement de Tatiana Julien : un puissant solo chorégraphique sur la résistance
En allemand soulèvement se dit Aufstand. Avec une polysémie qui englobe le fait de se dresser, de tenir la position verticale. Au sens figuré, Aufstand court de l’indignation à la révolution, selon le contexte. En hébreu, le soulèvement se fait populaire avec hitqomemut ‘amamit. Et il sous-entend une autorité établie. En arabe, c’est l’intifada qui correspond à la notion explorée par Tatiana Julien. Soit un mot où résonnent, toujours selon elle, le frémissement, le tremblement, la convulsion. Avec une dimension physique très forte : celle d’un acte consistant à quitter la position allongée, face contre terre, tout en secouant la poussière et les feuilles. En français, Tatiana Julien perçoit dans le soulèvement une force soudaine, permettant de rejeter un énorme poids, encombrant. Et entre mots, images et actes, le solo Soulèvement arpente ainsi le vocabulaire d’un changement d’état. Avec un dispositif scénique ouvert, frôlant l’installation sonore. Pour une pièce immersive.
Galvaniser les foules : les images de révolte, entre concert, boxe, et discours politique
Outrant son visage pour vociférer silencieusement un discours politique engagé, comme un doublage soulignant la puissance du verbe… Ou vibrant au son d’une techno pulsatile syncopée… Tatiana Julien livre avec Soulèvement une plongée dans l’esthétique de la révolte. Photogénique, l’indignation collective navigue entre deux écueils : la molle indifférence et l’effet de mode. Quand Tatiana Julien compare également sa pièce à un concert de Mylène Farmer, fédérant une génération Désenchantée (1991), elle autorise aussi un espace de réflexion sur les représentations du soulèvement. Danseuse physique, à la présence magnétique, ses mouvements capturent la sensualité du redressement. Entre boxe et catwalk, cette puissance en acte fascine. Mais pièce consciente de son pouvoir de séduction, Soulèvement opère aussi une mise à distance. En arpentant au pas de charge la rhétorique des corps révoltés, jeu vidéo Fortnite inclus. Pour une pièce active — photographie électrique des images du soulèvement contemporain.