Saâdane Afif, Jean-Pierre Bertrand, Giorgio de Chirico, Didier Faustino, Christian Hidaka, Hannah Höch, Armand Jalut, Didier Marcel, Gordon Matta-Clark, Stefan Nikolaev, Orlan, Michael Riedel, Franck Scurti, Arthur Segal, Sophie Täuber-Arp, Raphaël Zarka
Talkie-Walkie
Qu’elle s’appelle «ping-pong», «affinités électives», «échanges de bons procédés», «réponse du berger à la bergère», «connivences» ou finalement «Talkie-Walkie», l’exposition relève moins au final de l’entre soi que d’un dialogue. Celui entamé entre deux galeristes, chacun depuis sa rive: gauche pour Natalie Seroussi, droite pour Michel Rein. Chacun dans son domaine aussi: art moderne pour la première, art contemporain pour le second.
En guise de trait d’union, Didier Faustino, artiste et architecte qui travaille avec la galerie Michel Rein. Cet hiver, sa passion pour la radicalité tant esthétique, politique que plastique de l’artiste-architecte Gordon Matta-Clark, a amené Didier Faustino à accepter l’invitation de Natalie Seroussi à scénographier une exposition des photographies de ce sculpteur d’architectures décédé en 1978. Et si Didier Faustino a redessiné la galerie de Michel Rein, il s’emparera au terme de «Talkie-Walkie», des espaces de Natalie Seroussi pour un complet remaniement.
Si l’exposition ne s’astreint pas à un thème, elle s’impose toutefois une cohérence visuelle au passage en revue des forces en jeu.
Entre les fétiches ou les formes totémiques que l’on peut voir dans Babel (Shambles), (2010), un assemblage de caissons blancs de Saâdane Afif comme dans Prismatique (P3), un composite de chêne et de béton édifié en 2012 par Raphaël Zarka, le tronc d’arbre fantomatique tagué de Didier Marcel (Colonne (hêtre), 2007), Dead Domesticity Zone (Redux), un crâne de moquette créé l’an dernier par Didier Faustino, ou le masque «à l’africaine» en plastique thermoformé de Franck Scurti (White Memory F, 2007), les «arguments» contemporains ont du répondant face à la Composition horizontale / verticale, une aquarelle géométrique peinte en 1916 par Sophie Taeuber-Arp, les courbes pulpeuses d’un délicat plâtre immaculé de Jean Arp (Propriétaire du tonneau de Heidelberg, 1962) ou les associations grinçantes du collage Aus der Sammlung: Aus einem Ethnographischen Museum, Nr. IX., réalisé en 1929 par Hannah Höch.
Une histoire peut déjà s’écrire entre ces quelques œuvres, visuelle, formelle, intellectuelle surtout; des affinités comme celles qui sont apparues comme des évidences pour les galeristes qui les ont choisies.
Les expositions en musée s’écrivent presque toujours selon une partition bien huilée, thématique, monographique ou chronologique. Dans un centre d’art, la tentation ces dernières années a été de convoquer les artistes à assumer la subjectivité de leurs choix, une coudée franche que n’assument pas toujours les commissaires, alors taxés de se comporter comme des auteurs. Dans une galerie, la liberté est celle que se laisse la ou le propriétaire.
Ce qui parachève l’intérêt de ce jeu, c’est qu’il laisse toute sa place et sa responsabilité au visiteur qui ne pourra jamais être aux deux endroits en même temps, à la spectatrice qui sera obligée de voir, de quitter, d’oublier, de se remémorer à mesure qu’elle quittera l’une pour rejoindre l’autre. À celui qui se contentera d’une seule moitié. Je n’ai pas fait autre chose que de jouer moi aussi une partition avec les notes des autres, mais la petite musique qui en sort m’appartient. C’est le don que fait «Talkie-Walkie» à ses visiteurs, celui de les inviter à dialoguer.
Bénédicte Ramade
Avec la participation de:
Saâdane Afif, Arman, Jean Arp, Jean-Pierre Bertrand, André Bloc, Alighiero e Boetti, Victor Brauner, Giorgio de Chirico, Jacques le Chevallier, Didier Faustino, Mathew Hale, Christian Hidaka, Hannah Höch, Armand Jalut, Didier Marcel, Gordon Matta-Clark, Stefan Nikolaev, ORLAN, Martial Raysse, Michael Riedel, Franck Scurti, Arthur Segal, Sophie Täuber-Arp, Gil Joseph Wolman, Raphaël Zarka.