Dans une de ses toiles Takashi Murakami laisse divaguer ses pensées, et ses goûts esthétiques et artistiques. Plusieurs bulles s’échappent de sa tête. Il explique qu’il a toujours voulu dessiner des mangas. Les hasards et les aléas de la vie l’ont conduit à fréquenter une école de remise à niveau graphique.
Ses rêves d’adolescent semblent se réaliser progressivement, depuis dix ans. Pour atteindre son but, le cinéma d’animation commerciale, il suit la trace de Warhol et des artistes pop américains. Son atelier, sa société et son groupe d’artistes ont pour point de mire le grand écran. Il ressemble à ces artistes obligés de se produire sur scène ou à la télévision pour acquérir une notoriété, une crédibilité, et devenir comédiens.
La comédie française était doublée dans les années 1970 par le café théâtre, dans les années 1980 par le One Man Show, et dans les années 1990 par les fausses pubs et les petites annonces.
Cet aveu de Murakami le place dans le sillon du maître de l’animation nipponne, Myazaki, plus que dans la peau d’un plasticien contemporain. Chef d’atelier et d’entreprise, il se verrait plus en chef opérateur.
Depuis sa collaboration avec le géant du luxe LVMH en 2000, c’est chose possible. En plus de la customisation de sacs et de séries limitées, il a produit pour la firme un DVD de quelques minutes. D’une exceptionnelle qualité, ce film promotionnel était le premier jalon d’une aventure qui se poursuit aujourd’hui avec l’industrie de la musique.
Après sa collaboration avec Marc Jacobs, le directeur artistique du bagagiste français, c’est au tour du rappeur et producteur américain Kanye West de s’allouer les services de l’apprenti réalisateur.
La couverture du dernier album annonçait le clip Good Morning (2008) entièrement réalisé en animation. Loin des vidéos expérimentales visibles uniquement dans les biennales, cette récréation était annonciatrice des projets liés au septième art.
Steeve McQueen a lui aussi, dans un autre genre, réussi le passage au grand écran. Hunger (2008), récompensé à Cannes, parvenait à faire la liaison entre la vidéo artistique et le cinéma grand public. Le tenant de la Bad Painting, Julian Schnabel avec Le Papillon et le scaphandre (2007) avait tracé la voie du succès artistique et public.
Moins que les peintures sur les murs, les différentes vidéos de Selfportraits révèlent la nature et l’envie profonde de Takashi Murakami. A l’image de Princesse Mononoké, les considérations écologiques et le rôle destructeur de l’homme font office de scénario. A cela s’ajoute un humour scatologique où la merde peut aussi bien fertiliser la terre que l’ensevelir.
Si le discours est bien connu, la brièveté des saynètes empêche la prise en compte sérieuse du propos. Le Japon aime les paradoxes, puissance exportatrice et protectionniste, technologiquement avancée et traditionaliste. Les Japonais, peuple pollueur et écologiste à la fois, nous proposent un Murakami touche à tout, coincé entre Walt Disney et Andy Warhol.
Takashi Murakami
— I Recall The Time When My Feet Lifted Off The Ground, Ever So Slightly –Kôrin– Chrysanthemum, 2009. Acrylique et feuille d’or sur toile montée sur bois. 150 cm diamètre x 5 cm.
— Planet of Ecology: The Earth, 2008-2009. Acrylique et feuille d’or sur toile montée sur cadre en aluminium. 350 x 444 x 5 cm.
— Kaikai Kiki and Me, 2008. Acrylique sur toile montée sur cadre en aluminium. 150 x 150 x 5,08 cm.
— Kanye Bear, 2009.
— Me And Kaikai And Kiki et And Then, When That is Done…… I Change. What I Was Yesterday Is Cast Aside, Like An Insect Shedding Its Skin, 2009.