ART | EXPO

Tableaux. Conversations sur la peinture

20 Fév - 30 Mai 2015
Vernissage le 19 Fév 2015

Réunissant plusieurs générations d’artistes, français et internationaux, cette exposition s’intéresse aux sujets du peintre, à son programme pictural obsessionnel ou sériel, fantaisiste et libre ou plein de circonspection. Elle propose au visiteur une déambulation dans une suite d’ambiances contrastées suggérées par les associations de tableaux.

Marion Bataillard, Yves Bélorgey, Simon Bergala, Amélie Bertrand, Werner Büttner, Nina Childress, Florent Contin-Roux, John Currin, Alain Doret, Franck Eon, Ernest T., Laurent Proux, André Raffray
Tableaux. Conversations sur la peinture

Cette exposition réunit plusieurs générations de peintres français (et internationaux) nés pour la plupart après 1960. Par la densité et la variété des œuvres montrées, elle permet de s’intéresser aux sujets du peintre, à son programme pictural obsessionnel ou sériel, fantaisiste et libre ou au contraire, plein de circonspection. Parce qu’elle présente des œuvres de générations successives, elle tente également de sonder les influences, puisque beaucoup de ces peintres enseignent ou ont enseigné la peinture.

La dimension anachronique de la peinture (à l’ère du multimédia) est posée: entre une figure comme celle de l’illustrateur André Raffray qui ouvre l’exposition, et celle d’Ernest T. recommençant les Douanier Rousseau manquants qui la termine, l’exposition réunit des tableaux figuratifs aux sujets et aux traitements singuliers.
La figure «historique» de Werner Büttner (1954), autodidacte de la peinture, permet d’amorcer la réflexion sur la peinture comme «collage peint», pour reprendre l’expression de Max Ernst au sujet de René Magritte.

L’exposition est une déambulation dans une suite d’ambiances contrastées que suggèrent les associations de tableaux. Après avoir franchi le faisceau lumineux de la vidéo projection d’André Raffray, et donc avoir momentanément fait partie de l’œuvre, on pénètre dans une première salle de paysages: un grand format «publicitaire» pour un immeuble disparu d’Yves Bélorgey fait face à une vue d’une ville idéale de Simon Bergala, à la fois cristalline, sécuritaire et en travaux. Un tableau de Werner Büttner montre le soubassement d’un immeuble de la banlieue d’Iéna, où est né l’artiste.

La salle suivante présente un grand barnum dont la partie centrale a été peinte par Simon Bergala. Cette œuvre témoigne de l’intérêt de l’artiste pour une incursion de son travail de peintre dans la vie courante, sur des vêtements, par exemple. Les lieux du travail et de la communication sont les sujets de prédilection de Laurent Proux. L’attention qu’il porte aux différentes matières qui composent ses images y trouve une sorte d’équivalence à son travail de peintre.

La salle suivante est composée de scènes d’intérieur où émergent des images électroniques. Une bibliothèque ancienne et fluorescente, un vaste plateau d’émission de télévision servent de décor à des peintures spatialisées de Nina Childress. Chaque tableau-écran peut être momentanément habité par le visiteur et dans ce cas, le tableau devient une sorte de vêtement.
La grande salle blanche est une galerie de portraits et de personnages. Ceux de John Currin veulent donner chair aux clichés. Les perruques de Nina Childress flottent sur un fond bleu vaporeux. Franck Eon s’appuie, quant à lui, sur un sujet trivial pour sonder la présence lancinante de l’inspecteur Derrick. Florent Contin-Roux apporte une densité expressionniste à un document photographique historique. Et Marion Bataillard donne vie à ses rêves les plus fous dans de petits ex-votos fantasmatiques.

Plus loin, près de l’escalier, des «tableaux de statues» de Nina Childress voisinent avec une peinture «mnémonique» en noir et blanc de Florent Contin-Roux.
Dans le cabinet voisin, un ensemble de dessins récents et toujours en cours d’Yves Bélorgey sur la rue des Pyrénées, une des plus longues de Paris, évoque sans aucun doute la démarche du photographe Eugène Atget.

Plus loin encore, un grand format de Laurent Proux, Roman, montre en arrière-plan une machine sombre qui produit un tissu imprimé. De cette structure sombre et mécanique émerge un flot d’images et de silhouettes vivement colorées. Dans la partie basse du tableau, tel un cartouche, une grille de mots croisés trouvée dans un quotidien gratuit semble légender l’image. En vis-à-vis, un ensemble de vingt petites peintures sur bois contreplaqué de Franck Eon (Heroes) présente des variations autour de motifs, d’effets visuels et de surfaces de couleur.

Dans la dernière salle qui a conservé le Dessin mural n°4 d’Alain Doret, les motifs noir et blanc en suspens accueillent des tableaux de paysages. Ils peuvent évoquer un monde rétro-futuriste (Franck Eon), des ruines à l’envers (Simon Bergala), des vues d’exposition (Alain Doret), ou encore des paysages pseudo-exotiques-naïfs (Douanier Rousseau), si cette catégorie est opérante. Ils nous plongent en tout cas dans un espace-temps souvent paradoxal, un futur tel qu’on le voyait auparavant, dans le passé, dans un monde où la peinture peut fabriquer des oxymores visuels crédibles et illusionnistes à la fois.

Lorsqu’en 2007, nous avions entamé un cycle d’expositions sur les liens entre photographie et peinture, nous avions interrogé les artistes. A l’époque, la question posée était «Comment peindre après Picabia, le peintre de tous les styles successifs, ou après Richter, celui des différents styles menés en parallèle?».
Yves Bélorgey, Nina Childress et Franck Eon nous répondirent, ainsi que de nombreux autres participants. Nous avons envie aujourd’hui de repartir de leurs réponses, de prolonger et d’approfondir les conversations à la lumière de l’évolution de leurs parcours de peintre et d’enseignant en confrontant leurs œuvres à celles de certains de leurs élèves et à celles d’autres jeunes artistes qui persistent à choisir la voie de la peinture, malgré (ou à cause de) la domination des images reproduites.

Yannick Miloux

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