Les Å“uvres de Thomas Schmidt représentent un monde étrangement calme, loin de toute effusion passionnée, mais pourtant bien réel. Elles pourraient se réclamer d’un nouveau réalisme, tant leur appréhension de l’espace est éloignée de celle habituellement prônée par la photographie documentaire.
Prises dans des contextes différents et sans liens, les photographies que Thomas Schmidt expose à la galerie Lucile Corty sont regroupées dans des séries qui n’ont pas de fil conducteur ni de sujet.
Concentrées sur de petites choses ou sur des détails, elles privilégient un point de vue rapproché et sans horizon. Ici, un tournesol abandonné dans un escalier; là , un feu qui brûle; ailleurs, un tas de décombres… Chacune d’entre elles ne met en valeur qu’un seul objet, comme pour lui conférer un nouveau statut. Néanmoins, leur petit format (celui du polaroïd étant le plus radical) réussit à attirer le spectateur dans une sphère intimiste. L’objet en ressort ainsi à la fois étranger et familier.
Qu’elles soient prises en pleine nature, en milieu urbain ou dans l’espace domestique, les images de Thomas Schmidt sont totalement dénuées d’intrigues. Anonymes et muettes. La présence humaine en est volontairement évincée ou bien seulement suggérée par l’existence de signes dans le paysage (des déchets, des habitations, le contenu d’un repas,…). Les lieux eux-mêmes sont dépourvus de toute caractérisation particulière, ce qui leur donne un aspect atemporel.
Le plus souvent, ce sont des tensions entre la présence et l’absence, entre ce qui est montré et ce qui est caché, que Thomas Schmidt élabore. Son objectif photographique dévoile les jeux de ceux qui «se cachent pour être découverts plus tard»: ici, un enfant accroupi de dos parmi les branches d’une haie; là , un fauteuil vide campé en direction d’une fenêtre; ailleurs, une perspective ouverte sur le lointain mais en partie bouchée par un rideau. Le spectateur finit par se perdre dans ses configurations complexes qui jouent sur des effets visuels classiques, empruntés à la peinture (le dispositif de la fenêtre) ou au cinéma (l’effet de hors-champ).
Indéfinissables, les situations que l’artiste construit relèvent autant de l’énigme que de l’abstraction. Empreintes d’une profonde mélancolie, elles se focalisent sur la face absente — la plus inquiétante — du monde mais invitent le spectateur à le repeupler de ses propres fictions.
Oeuvres:
— Thomas Schmidt, série Nous sommes cachés pour pouvoir être découverts plus tard, 2010. Photo couleur. 32 x 32 cm.
— Thomas Schmidt, série Polaroid, 2004-2009. Polaroïd. 24 x 24 cm (encadré).
— Thomas Schmidt, série Paysages synthétiques, 2011. Photo couleur. 28 x 20 cm.