Morgane Tschiember
Swing’nd Roll & Bubbles
L’exposition de Morgane Tschiember diffère bien entendu de toutes ses expositions antérieures; mais à Sète, elle ne déroge toutefois pas à la règle de l’artiste. Cette règle est simple: aucune technique ou discipline artistique ne saurait épuiser, définir ou effectuer ce qu’on appelle ordinairement l’art. C’est pourquoi Morgane Tschiember n’a jamais cessé de mettre à l’épreuve de son talent toutes les techniques ou les technologies, artistiques ou non, dont nous disposons aujourd’hui.
D’où cette exposition expressément conçue pour le CRAC, laquelle comporte trois volets correspondant à trois salles: le premier est architectural (Swing) quoi que cette nef monumentale n’émane pas d’un architecte; l’oeuvre prolonge autant qu’elle s’émancipe de ses productions antérieures, et notamment des suivantes: la Parallel Road (2006) et la série des Iron Maiden (2007).
De la première, l’artiste récuse l’aspect mimétique et des secondes, elle amplifie la dimension baroque en les portant à une échelle résolument architecturale. Spécialement conçue pour le volume qu’elle occupe, Swing est une succession de seuils, tant dans l’axe de la nef que dans les espaces intercalaires entre les 12 travées qui délimitent deux déambulatoires latéraux.
Le spectateur est libre d’enjamber les lames de métal ou de les contourner dans l’exploration globale de l’oeuvre. Il notera à cette occasion que rares sont les Å“uvres qui soient à la fois terre à terre et édifiantes au sens littéral et figuré de ces termes. Qu’on se situe au-dessus ou en dessous d’elle, il n’est pas moins paradoxal que des voussures de cette nef pourtant inversée, émane une sensation d’élan voire de lévitation. Sans doute est-ce parce que l’artiste y traduit de l’invisible, l’apesanteur de la pesanteur ou l’inverse, c’est-à -dire la réciprocité du rapport de force entre le nadir et le zénith.
Le second (Roll) est d’autant plus pictural que, non seulement l’artiste ne broie ni n’applique ses couleurs de ses propres mains, mais les laissent expressément se brouiller entre elles-mêmes et pour ainsi d’elles-mêmes.
Tertio, l’artiste a agencé des étals métalliques supportant des pièces en béton destinés à recueillir des un certain nombre d’entités qui hésitent entre air et verre (Bubbles): à l’instant même où il s’interroge, le spectateur découvre la réponse à sa question: «la différence entre verre et air?»: «le souffle bien sûr!» En revenant sur ses pas, ce visiteur devrait alors découvrir que l’art contemporain n’est réductible, ni à la sculpture ni à la peinture, ni même à l’architecture. En effet, si Matisse prétendait peindre non pas les choses mais «les différences entre les choses», alors «Swing’nd Roll & Bubbles» tente de montrer la différence aussi bien que l’air de famille artistique qui souffle entre architecture, peinture et sculpture… et même entre n’importe quoi et n’importe qui.
A l’occasion de cette exposition, Morgane Tschiember montre pour la première fois en quoi elle est à la fois anarchitecte, non-peintre et non sculpteur (ou mieux «insculpte»), c’est-à -dire artiste, au sens a fortiori fugitif de ce mot.
Vernissage
Vendredi 6 avril 2012 Ã 18h30