Communiqué de presse
Rebecca Digne, Romain Kronenberg, Stéphanie Lagarde, Ange Leccia
Suspensions
Elmo (1984) est le premier projecteur super 8 d’Ange Leccia. Tournant à vide, il semble en attente d’une image à projeter ou d’une utilité à reconsidérer. Cette sculpture bavarde – pied de nez duchampien admise par l’artiste comme un «arrangement» – a été choisie comme un prologue à l’exposition présentée à la galerie Alexandre Cadain. Démiurge, l’artiste doit bien «s’arranger avec la réalité», il doit composer avec les résistances du temps et de l’espace. Plutôt que de les taire, il préfère les suspendre.
Pour Rebecca Digne, «l’espace de projection est lieu de résistance face au temps»: c’est une toile pellicule qu’elle tend sur son châssis et sur laquelle elle dépose des formes. Véritables laboratoires depuis lesquels elle observe les déplacements, ses courts-métrages sont la restitution minutieuse de plans fixes où seuls les mouvements chuchotent. Suspendre, retourner le temps et les formes: Rebecca Digne exploite la fragilité du détail pour en faire une représentation circulaire, sans qu’aucune chute ne vienne en briser la répétition. Chaque pièce est l’occasion d’un dispositif toujours singulier où image et technique se superposent.
Compositeur de formation, Romain Kronenberg construit des architectures sonores à partir d’images, simples prétextes pour restituer l’écoulement du temps. Ses paysages s’inscrivent en droite ligne avec le genre classique. La musique ou les paroles de chansons (celles de David Bowie dans sa série «Sans Titres») qu’il installe en correspondance avec ses images, ouvrent le regard à des tonalités différentes, des perceptions croisées. Dans Meriken Park (2008), c’est le point du jour sur la baie de Kobé – instant fragile où les lumières de la fête s’intensifient à mesure que le métal et le verre s’effacent dans la nuit. En contrepoint de l’image représentée, le hors champ – musical ou sculptural – est systématiquement posé.
Stéphanie Lagarde cherche aussi à  «s’arranger avec la réalité». De l’idée à la matière se révèlent des espaces de contradictions, des tensions, voire des impasses. A ses projets irréalisables, utopiques, en suspens, elle offre des poèmes. Son Premier souffle (2009) tente vainement de remplir l’espace et d’éteindre une bougie, sa Berceuse (2006) ne parvient à déplacer qu’un peu de poussière d’argent. Chacune de ses sculptures soutient l’inachevé en un horizon infranchissable. Faut-il en désespérer ? Finalement, Comment imaginer Sisyphe heureux ? (2008), se demande l’artiste dans une dernière provocation au temps.
critique
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