L’Art Brut regroupe des productions réalisées par des non-professionnels de l’art, indemnes de culture artistique, Å“uvrant en dehors des normes esthétiques convenues (pensionnaires d’asiles psychiatriques, autodidactes isolés, médiums, etc.). Dubuffet entendait par là un art spontané, sans prétentions culturelles et sans démarche intellectuelle.
Le titre de cette exposition fait ici sans doute référence à la frontière entre art contemporain et art brut, qui se pourrait être bien plus ténue qu’on ne le croit. L’historien d’art, conservateur et commissaire d’exposition Jean-Hubert Martin a accepté de répondre à l’invitation de deux galeries parisiennes, Christian Berst-Art Brut et la galerie Jean Brolly, d’assurer le commissariat de l’exposition «Sur le fil» qui réunit les Å“uvres d’une soixantaine d’artistes internationaux.
Dans cette vaste exposition qui se déploie sur deux espaces, les nombreuses œuvres qui représentent l’art brut frappent par une authenticité qui n’a d’égale que l’intensité certaine qui en émane. Parmi elles, on découvre entre autres les oeuvres de l’artiste paraguayen Sebastián Ferreira dont le sujet de prédilection est la ville cosmopolite, qu’il réinvente en y introduisant des images de cartes postales, de magazines et des photos trouvées sur le net. Ou encore les œuvres de l’artiste chinoise Fengyi Guo dont les dessins représentent, à travers une multitude de traits délicats, des formes spectrales, dragons, phœnix, visages parfois entremêlés, souriants et sereins, ou au contraire, terriblement inquiétants et monstrueux. Son œuvre originale nous emmène sur des territoires où la sérénité, trop calme, en devient inquiétante et où le monstrueux, étrangement, nous est familier. On peut également déchiffrer les lettres de l’artiste allemand Harald Stoffers qui, entre écriture, partition musicale et composition graphique invitent tant à la lecture qu’à la contemplation fascinée.
Du côté de l’art contemporain, les artistes représentés par la galerie Jean Brolly proposent des oeuvres tout aussi singulières et la tentation d’établir des comparaisons se volatilise vite, au vu de la densité des univers exposés. Les mises en scène du plasticien-photographe Bernard Voïta, par exemple, évoquent l’architecture, mais sont en fait réalisées avec des objets de fortune, rebuts de toutes sortes… Ce sont autant de «bricolages» qui introduisent le soupçon et soulignent l’artificialité de la photographie. Les peintures de Nicolas Chardon quant à elles rappellent les archétypes des pionniers de l’abstraction géométrique. Inscriptions abstraites déformées sur tissus d’ameublements, reliques de monochromes en contreplaqué, cercles de galets aux motifs de damiers colorés: autant de fétiches modernes nés de l’inventaire des restes d’une mémoire informée, que Nicolas Chardon expose comme les signes d’un usage possible de l’histoire.
Et ce n’est là qu’un échantillon, l’exposition met en œuvre bien d’autres univers artistiques qui dialoguent avec pertinence autour de ce «fil» qui loin de les distinguer, les rapproche et sur lequel le spectateur est également invité à se tenir.
L’exposition «Sur le fil» est à découvrir à partir du samedi 9 avril 2016, simultanément dans les deux galeries et fait l’objet d’un catalogue de 200 pages avec un texte de Jean-Hubert Martin et des avant-propos de Jean Brolly et Christian Berst.