Ruth-Maria Obrist, Jérôme Touron, Beat Zoderer
Superpositions
Ruth-Maria Obrist (Baden, Suisse), Jérôme Touron (Paris, France) et Beat Zoderer (Baden, Suisse): ces trois artistes rassemblés pour «Superpositions» jouent et se jouent de la référence à l’art géométrique, voire minimal, Beat Zoderer se présentant comme appartenant à cette famille artistique où il aime venir jeter le désordre, Ruth-Maria Obrist optant elle pour une pratique où l’utilisation de la transparence, de matériaux souples tempère la rigueur, tandis que Jérôme Touron opère plutôt par clins d’œil, allusions, et souligne que «l’économie de moyens est un moteur d’efficacité».
Ils proposent notamment pour cette exposition une intervention in situ réalisée à trois dans la galerie La Ferronnerie.
Ruth-Maria Obrist (née en 1955, Laufenburg, Suisse) participait, dès sa sortie de l’Ecole des beaux-arts de Zürich, à un exposition au Museum für Gestaltung de Zürich. Une partie de son travail présente une filiation avec les œuvres du groupe d’artistes les «concrets zürichois», – tels Max Bill et Richard-Paul Lohse.
Mais ce qui est particulier au travail de Ruth-Maria Obrist, notamment ces dernières années, c’est une émancipation de cette tradition formaliste avec l’apparition de plus en plus marquée de propositions plus intimiste, se rattachant alors à d’autres expériences plastiques.
Avec des œuvres telles l’ensemble des canevas du Carnet de voyage (Paris, 2006) – ou bien les Pillows présentés cet été dans le Centre d’art de Zofingen, on peut penser à une génération d’artistes telle Annette Messager, qui ont inclus un quotidien propre au féminin dans leur processus de création. Utilisant de fines feuilles de résine translucide, qu’elle assemble par des coutures, appliquant des feuilles d’or sur le champ de séries de volumes, elle joue à la fois de la sérialité rigoureusement construite et des aléas subtils de matières tendres.
Les œuvres de Ruth-Maria ont été très régulièrement montrées dans des Centres d’art, musées, galeries, en Suisse, en Autriche, en Allemagne et plus récemment en France.
«Les œuvres de Jérôme Touron (né en 1967 à Chartres, France) pointent, pour les brouiller, les déterminations et les limites de l’exposition… Ce questionnement sur l’exposition est développé par l’utilisation de matériaux tels que le minium orange, l’adhésif, le plâtre, les rails pour la fixation des cloisons en plâtre, etc., tous déterminés en premier lieu par leur fonctionnalité – la raison esthétique s’ajustant à celle-ci – et portant ainsi avec eux d’autres usages et d’autres valeurs de l’exposition…».
Avec la pièce conçue pour «Superpositions», – une grille en métal corrodé, où viennent s’accrocher des plaques colorées, Jérôme Touron poursuit l’inventaire de couleurs qu’il élabore depuis 2001, sous une forme plus structurée» (…) «Le classement, même hétéroclite et arbitraire, sauvegarde la richesse et la diversité de l’inventaire; en décidant qu’il faut tenir compte de tout, il facilite la constitution d’une “mémoire”». Cette remarque de Lévi-Strauss est tirée de La Pensée sauvage, juste avant ses célèbres propos sur le bricolage, qu’il associe à la pensée mythique.
Il est frappant de constater que l’on retrouve l’articulation entre l’inventaire comme forme empirique de connaissance et le bricolage dans l’ensemble du travail de Jérôme Touron. Car, en effet, à l’exemple des échantillons, où les bandes adhésives laissent apparaître des aspérités, des strates débordant les unes sur les autres de manière irrégulière, la facture de ses œuvres annule souvent la première impression de fini industriel que le spectateur avait pu avoir à distance.