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Summer crossing

Laura Henno construit des images qui rendent palpable une extrême tension entre l’intériorité de ses jeunes modèles et une réalité extérieure. Le rapport d’étrangeté qu’entretiennent ces figures avec l’espace qui les entoure renvoient le regardeur à une position inconfortable faite de fascination et d’une sensation d’intrusion.

Information

Communiqué
Laura Henno
Summer crossing

La recherche photographique de Laura Henno porte sur la relation entre l’individu et le lieu. Celle-ci s’articule autour d’une tension sur laquelle repose la construction de ses photographies. Elle cherche à établir un équilibre fragile qui peut faire basculer l’image vers quelque chose d’ambigüe, à la fois intrigant et énigmatique. L’interaction entre la figure et le lieu, l’inscription de l’individu dans un environnement précis déterminent ainsi la conception de ses images. Pour chaque mise en scène, l’artiste tente de créer une atmosphère singulière et captivante qui accordera à l’image une dynamique propre affirmant son autonomie. La lumière naturelle enveloppe les modèles, joue du clair-obscur et du contre-jour, effleure le vêtement, convoquant tour à tour le champ pictural ou cinématographique. Les lieux qu’elle choisit, les décors qu’elle constitue sont sobres, intemporels et minimalistes, lui permettant de focaliser l’attention sur le sujet.

Le paysage, dans sa relation à l’individu, est au cœur de son travail. Il est le lieu où se tissent des rapports subtils avec la figure. Il exploite son potentiel évocateur, il s’en sert tel un cadre, un espace de projection qui contribue à la dimension fictionnelle de l’image. À la fois échappatoire possible et lieu de perdition, le paysage dans ses photographies n’offre aux personnages qui s’y arrêtent, qui les traversent dans leur errance ou leur exploration, aucun ancrage existentiel, aucun refuge stable, aucun repère spatial. Un sentiment troublant s’immisce en filigrane entre l’individu et cet environnement naturel étayé par ce mystère du hors-champ qui suggère que quelque chose est là, dont nous ne savons rien, qui exerce sur le personnage une invincible attraction. Laura Henno prélève dans le paysage les quelques éléments les plus signifiants qui lui permettront d’esquisser un décor, d’immiscer une tension. Un sol terreux, un arrière-plan feuillu, une zone humide, dessinent un milieu naturel qui ne dévoile que peu de choses. Rare est la ligne d’horizon et lorsqu’elle est présente c’est pour mieux se diluer dans la brume ou dans l’eau accentuant ainsi la perte de repère. Les intérieurs où elle situe ses personnages éludent tout contexte social ou familial. Elle les plonge dans la pénombre pour mieux mettre en valeur une attitude, un geste, un regard qui induit une certaine intimité. Elle joue sur les contrastes, elle amène une temporalité plus étirée qui se confronte à des images saisies sur le vif.

L’élaboration d’un espace fictionnel est l’une de ses préoccupations. Elle cherche à permettre une extension narrative dans chaque composition. Dans ses images, le regard s’attarde sur des détails anodins et énigmatiques, des instants «entre deux» où tout semble arrêté. Il revient au regardeur de construire ces bribes de récits, de les étayer de leurs hypothèses. Les personnes qu’elle photographie deviennent ainsi les personnages d’une fiction indéfinissable. Misant davantage sur l’ellipse, plutôt que sur des scénarios identifiables, chacune de ses images est suspendue telle une bulle spatio-temporelle fonctionnant sur elle-même. Tout l’enjeu de sa mise en scène réside sur cette frontière entre le suggéré et l’évident. Les jeunes qu’elle photographie ne sont pas des comédiens. Elle ne leur demande aucun jeu de rôle, aucune interprétation. Elle cherche à établir un contexte qui les amènera à bâtir dans l’image même, leur relation à l’environnement. Lors de la prise de vue, elle joue sur leur hypersensibilité, sur cette prise de contact avec un lieu qui leur est inconnu. Elle s’appuie à la fois sur une forme de proximité et une mise à distance qui prolonge leurs doutes et les projette dans cet entre-deux sur lequel repose l’image. L’adolescence l’intéresse particulièrement parce qu’elle est ce moment transitoire empreint d’incertitude et d’une grande intensité émotionnelle qui donne corps à ses personnages. Ceux-ci semblent dans l’attente, suspendus dans un interstice mouvant. C’est cet instant fugace qu’elle cherche à capter chez les personnes qu’elle photographie et qui rend possible ce prolongement narratif, ce basculement vers la fiction qui l’intéresse. Peu de choses transparaissent d’eux hormis le sentiment troublant, de quelque chose d’insaisissable planant sur ces êtres. Le mystère peut être des êtres et des lieux qui la captive et qu’elle cherche à rendre palpable.

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