ART | EXPO

Suivre le mouvement de l’ombre

11 Fév - 04 Juil 2012
Vernissage le 10 Fév 2012

Diplômé de l’École nationale d’arts décoratifs de Nice, le travail d’Henri Olivier interroge les relations de la sculpture au jardin, à l’environnement et au paysage, ainsi que notre propre perception de l’espace. Sculptures, néons, photographies, films, investissent les cimaises du MAMAC en tant qu’éléments de construction d’un paysage intérieur et idéal.

Henri Olivier
Suivre le mouvement de l’ombre

Une des expositions récentes d’Henri Olivier était intitulée «Prémisses d’un paysage». Les prémisses sont les deux premiers temps d’un raisonnement qui amènent à une conclusion. On voit que ce terme rejoint pratiquement son homonyme, prémices, qui désigne précisément les premiers signes, les signes avant-coureurs. Il y aurait donc ici, dans l’intitulé de cette exposition, l’annonce d’un paysage à venir, comme si les sculptures exposées là étaient la forme condensée d’un paysage qui allait se déployer à partir d’elles. Comment faut-il entendre cela? Certes, nous savons bien que le paysage est dans une grande mesure une production de l’art (et aussi du travail des hommes). Il n’est donc pas absurde de supposer qu’Henri Olivier soit engagé dans une telle démarche, d’autant moins qu’il intervient souvent dans le paysage, non seulement pour y installer des œuvres (des sculptures), mais aussi pour le transformer et le recréer. Les sculptures que nous regardions alors dans cette exposition, semblaient avoir le double pouvoir de condenser une expérience passée du paysage, et d’être la matrice d’un paysage à venir. Elles étaient pareilles à des blocs d’une étrange énergie, à la fois centrifuge et centripète. Constituées d’éléments solides, bois calciné et métal pour l’essentiel, elles ne tenaient pourtant pas en place tant était grande la charge dont elles étaient porteuses.

L’exposition au MAMAC est une exposition d’intérieur. Toutefois, on voit bien que beaucoup de pièces de l’artiste ont la capacité de migrer d’un espace à l’autre, d’être reprises et recontextualisées. Un matériau (si c’est bien le terme qui convient) prend dans l’exposition présente une importance particulière: il s’agit de l’écriture. Des mots, en néon, en acier, en plomb figurent depuis longtemps dans diverses œuvres de l’artiste, où ils désignent des noms scientifiques de plantes, des termes isolés, des maximes latines, des noms de cépages, etc. Ils sont de la plus grande importance, pour plusieurs raisons. Tout d’abord, ils ont le pouvoir d’instituer (c’est le principe même de l’acte de nomination) autant d’univers d’objets, de savoirs et de pensées à travers lesquels l’artiste se fait le discret passeur. Du coup, l’œuvre s’inscrit dans l’ensemble plus vaste qu’elle évoque et qu’elle rend lisible, comme dans l’écriture spéculaire en néon de la Chartreuse de Villeneuve-lèz-Avignon (2009, «Miror et istas virtutes in anima»). Ce qu’il met en jeu, c’est une épaisseur temporelle, ce qui se joue entre l’action qui a (peut-être, imaginairement) été, et l’énoncé (l’injonction) qui a présidé à son effectuation. Ce passage du temps comme matériau de la sculpture, Henri Olivier l’a sans doute rencontré au contact des artistes de l’Art Minimal ou de l’Arte Povera.

La pièce produite pour le MAMAC reprend, avec quelques modifications, une phrase que l’artiste avait déjà utilisée dans une œuvre d’extérieur: Que faire en un lieu à moins que l’on y songe. Inspirée du début d’une fable de La Fontaine (Le lièvre et les grenouilles), la phrase ainsi modifiée met bien l’accent sur la dimension onirique et méditative de l’univers d’Henri Olivier: le lieu dans lequel il s’inscrit est l’espace de la pensée et du rêve. Mais pour nous, cette phrase pseudo-interrogative résonne aussi de l’interrogation de Mario Merz dans un de ses travaux de 1969, et qui devait d’ailleurs donner son titre à l’exposition dans son ensemble: Ché Fare?, écrit en lettres de glaise… Mais cela ne doit pas nous empêcher de percevoir dans l’œuvre apaisée d’aujourd’hui quelque chose des doutes et de l’angoisse (et de l’ironie) que Mario Merz exprimait dans son œuvre, «ce tourbillon de pensées en formation». A son tour, la quiétude ironique de la fable animale laisse transparaître le sentiment de finitude et d’irréalité qui est le nôtre aujourd’hui. Que faire en un lieu, même (et surtout) si ce lieu est un dépôt d’œuvres d’art? A moins de n’avoir de l’art qu’une vision restreinte, le musée n’est pas un gîte sûr, il est travaillé par les forces de l’extérieur. Ce lieu travaillé par l’espace, inéluctablement, voilà qui «intranquillise» l’œuvre et la met en péril.
Régis Durand

Vernissage
Vendredi 10 février 2012

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